S'estimant injustement condamné par le jury, se disant harcelé par des policiers qui espionnent aussi sa famille, Pierre-Arold Agnant, agent des Services correctionnels congédié pour avoir introduit plusieurs fois de la drogue en prison, a imploré la clémence de la juge France Charbonneau, hier.

Alors que la Couronne demande onze ans de pénitencier, et que le propre avocat d'Agnant, Me Clemente Monterosso, demande six ou sept ans en raison de la jurisprudence en la matière, Agnant, lui, aspire à une peine de moins de deux ans. Comme ça, il ne serait pas expulsé vers son pays d'origine, et il pourrait rester dans le «plus beau pays au monde», a-t-il fait valoir, hier. Originaire d'Haïti, Agnant est résident permanent au Canada, mais il n'a pas la citoyenneté. Ce qui l'expose à un renvoi pour grande criminalité, après avoir purgé sa peine, si celle-ci dépasse deux ans. Rappelons qu'en décembre dernier, au terme d'un long procès impliquant beaucoup d'écoute électronique en créole, Agnant a été déclaré coupable de trafic de stupéfiants et de gangstérisme. Entre décembre 2006 et juin 2007, il avait profité de son statut d'agent à Bordeaux pour introduire en 19 occasions un total d'environ quinze kg de mari et de cinq à dix onces de cocaïne-base à l'intérieur des murs. Il agissait pour le compte d'un gang dirigé par Gustave Jean, qui était emprisonné à Bordeaux. Ce petit à-côté aurait rapporté plus de 60 000$ à Agnant, qui envisageait de se bâtir une maison de luxe en Haïti, pour y prendre sa retraite.

 

Porter une croix

Hier, l'homme de 47 ans a fait valoir qu'il avait étudié en criminologie à l'université en Haïti, avant de venir s'établir au Canada pour faire vivre sa famille. Il a tenté d'obtenir le statut de réfugié politique au Canada, mais ça n'a pas marché. Il est resté quand même, et a obtenu sa résidence permanente au bout de six ans. Il rêvait de devenir détective. Embauché comme agent des Services correctionnels, il gagnait environ 45 000$ par année, mais il arrivait à 80 000$ avec toutes ses heures supplémentaires, a-t-il expliqué. «Quand je travaillais, je pouvais dire qui j'étais», a-t-il dit avec des trémolos dans la voix. Aujourd'hui, il estime survivre dans une cellule en protection. «Je porte une croix, je me demande pourquoi...»

Agnant, marié et père de trois enfants, a pu s'exprimer à sa guise, hier, lors des plaidoiries sur la peine à lui imposer. Il a raconté des bizarreries, a allégué des complots. Il a soutenu que l'avocat qui l'a représenté à son procès, Max Stanley Bazin, lui avait confié avoir vécu d'énormes pressions de la police parce qu'il avait pris ce dossier. «J'ai rencontré son père (de Me Bazin) dans le corridor. Il m'a dit que son fils devait vivre à l'hôtel et qu'il devait sans cesse changer de chambre. La police a même frappé sa copine. Il y avait du sang sur les rideaux à l'hôtel...» Rappelons que Me Bazin a été radié provisoirement du Barreau pour négligence, l'hiver dernier, le jour où il devait amorcer les plaidoiries sur la peine à Agnant.

La juge Charbonneau rendra sa décision au sujet d'Agnant le 30 avril.