D'abord accusés de meurtre prémédité, deux jeunes hommes liés à un gang de rue d'allégeance bleue, Fares Benabdallah et Richardson François, s'en tirent avec une peine de deux ans de prison en plaidant coupable à une accusation d'homicide involontaire.

La juge Sophie Bourque a reconnu que la peine pouvait sembler «clémente» à première vue, avant d'ajouter qu'elle avait été suggérée de façon commune par des «procureurs d'expérience» vu les circonstances particulières du dossier.

 

Malgré tout, la famille de la victime, Érick Kabanga, 27 ans, était inconsolable, hier au palais de justice de Montréal. «Je ne crois plus à la justice. C'était la guerre dans mon pays. Je suis venue ici pour mettre mes enfants à l'abri», a laissé tomber la mère de la victime, Marie-Josée Kabanga, originaire du Congo-RDC.

François, 25 ans, et Benabdallah, 22 ans, sont détenus depuis près de quatre ans pour ce crime survenu le 26 janvier 2006. La juge Bourque leur a imposé une peine initiale de 10 ans de pénitencier à laquelle elle a soustrait le temps de détention préventive comptant en double.

Ainsi condamné à deux ans moins un jour d'emprisonnement, Benabdallah, alias «Patex», pourra purger sa peine dans un établissement carcéral provincial, un environnement «moins rude» pour faciliter sa réhabilitation, a fait valoir son avocate, Me Danielle Roy.

Quant à François, alias «Johnny Love», il purgera sa peine de deux ans dans un pénitencier fédéral. La police l'associe à un gang des Bleus qui a déjà porté le nom de MOB (Money Over Bitches). Il a des antécédents de violence.

Le soir du crime, Érick Kabanga s'est rendu dans un appartement de la rue Sherbrooke Est en compagnie d'amis pour une histoire de vol de téléviseur qui ne le concernait pas directement. Il s'y est présenté cagoulé avec un chien pitbull en laisse. Une querelle a suivi entre son groupe et les gens sur place, dont un autre membre des Bleus, John Tshiamala. Les protagonistes ont exhibé des armes à feu et des couteaux, et Tshiamala a appelé les accusés en renfort.

Sur une caméra de surveillance, on voit Benabdallah entrer dans l'immeuble en compagnie de François et d'une troisième personne non identifiée, ce soir-là. Il sait que ses deux amis sont armés, mais il n'est «jamais question que les armes à feu soient utilisées pour tirer», a résumé la procureure de la Couronne, Me Éliane Perreault.

Benabdallah est demeuré dans l'entrée de l'immeuble, alors que François est entré dans l'appartement. François a tiré un coup de feu, mais ce n'est pas celui qui a tué la victime, a précisé la Couronne. Comme cela arrive souvent dans des histoires de gangs de rue, aucun témoin n'a voulu identifier le second tireur. John Tshiamala a même été déclaré «témoin hostile» au cours de l'enquête préliminaire.

Long processus

La durée de cette affaire judiciaire est «exceptionnelle», selon la juge Bourque. L'enquête préliminaire a duré près de trois ans, puisque la défense s'est rendue jusqu'en Cour d'appel pour contester l'accusation de meurtre prémédité - requête qu'elle a perdue.

Puis, 10 jours avant le début du procès prévu en janvier dernier, ça a été au tour de la Couronne de présenter une requête assez rare, qui a elle aussi été rejetée. La poursuite a voulu faire récuser la juge Bourque pour cause d'apparence de partialité. C'est que le «témoin hostile», John Tshiamala, a été libéré d'une accusation de meurtre - commis au bar Aria en 2005 - par nulle autre que la juge Bourque, après que cette dernière eut ordonné l'arrêt du processus judiciaire.

Le jury a finalement été sélectionné le 1er février dernier. Or, la juge Bourque a décidé de le dissoudre après avoir reçu de nouvelles requêtes de la défense. La magistrate a donné raison à cette dernière en reprochant à la Couronne sa «divulgation tardive» de preuve résultant de sa «préparation de dernière minute». La tension était palpable dans la salle d'audience. Après de longues négociations, la Couronne a consenti, hier, à ce que les deux jeunes hommes plaident coupable à une accusation réduite.

«Nous avons un système où l'on fait du mieux qu'on peut avec nos limites», a d'ailleurs expliqué la juge Bourque à la famille de la victime, qui était père de deux bébés.