Arrêtée dans le cadre de l'opération Colisée, la douanière corrompue Nancy Cedeno affirme que la mafia montréalaise a moins souffert qu'elle des conséquences de cette opération policière d'envergure.

«J'ai perdu mon emploi, tous mes amis, mon conjoint. J'aurais dû plaider coupable. Ceux qui l'ont fait ont eu moins de problèmes que moi. J'ai passé dans les médias plus souvent que la mafia», a souligné la femme de 35 ans, émotive, au juge Claude Millette de la Cour du Québec, hier, implorant sa clémence au moment des plaidoiries sur la peine.

Nancy Cedeno a été arrêtée dans le cadre de l'opération Colisée en même temps que les gros canons du clan Rizzuto en novembre 2006. Au terme de son procès trois ans plus tard, la mère de deux enfants a été reconnue coupable de corruption pour avoir aidé des narcotrafiquants liés à la mafia à faire entrer clandestinement de la cocaïne à l'aéroport Montréal-Trudeau.

En revanche, elle a été acquittée de sept autres chefs d'accusation, plus graves, de complot et de gangstérisme. Le juge Millette a cru la version de la douanière selon laquelle elle ne savait pas qu'elle travaillait pour la mafia italienne. Elle croyait tout au plus faciliter l'entrée au pays de produits contrefaits.

L'avocat de Mme Cedeno a réclamé une peine d'emprisonnement avec sursis pour sa cliente, alors que la Couronne a suggéré une peine de cinq ans de pénitencier, hier, au palais de justice de Montréal.

La Couronne a comparé Nancy Cedeno à une «citoyenne de Troie qui a fourni le cheval aux Grecs pour leur permettre d'entrer en catimini dans la ville». Alors que son rôle était de protéger une forteresse, elle a plutôt remis les clés à l'ennemi, a indiqué le représentant de la poursuite, Me Alexandre Dalmau.

Poursuivant la métaphore, la défense a plutôt plaidé qu'on s'acharnait sur «le mauvais cheval». Lorsque Cedeno a été sondée par un ancien collègue de travail, Omar Riahi (coaccusé qui a plaidé coupable au début de son procès), elle était dépressive et aux prises avec des problèmes familiaux et économiques.

«Dans une période vulnérable de sa vie, elle a flanché», a expliqué son avocat, Me Robert Bellefleur. Riahi, devenu policier militaire, est un ami d'enfance du narcotrafiquant Ray Kahno. Ce dernier cherchait à faire entrer de la cocaïne à Montréal pour le compte de la mafia. Riahi a ainsi demandé à son amie douanière de lui fournir des déclarations de douane préapprouvées qui auraient permis à des courriers de passer la frontière avec leur cargaison sans difficulté.

Aux yeux de la Couronne, la douanière a fait preuve d'aveuglement volontaire. «C'est trop facile de ne pas poser de questions et de se dire qu'ainsi, il n'y aura pas de conséquences aux gestes», a ajouté Me Dalmau.