En 10 ans, Jean Lavertue est passé d'haltérophile représentant le pays aux Jeux olympiques d'Atlanta à chef d'une organisation prospère de narcotrafiquants dans le sud-ouest de Montréal.

L'homme de 35 ans a même survécu à un attentat raté en avril 2005, lorsqu'une bombe artisanale avait été placée sous son véhicule, apprend-on dans un document policier déposé en cour.

 

Une explosion est survenue dans un véhicule Acura MDX enregistré au nom d'une société à numéro (9131-6416 Québec inc), alors que le conducteur, Jean Lavertue, circulait avec un homme non identifié, peut-on y lire. La police ne détient aucun suspect dans cette affaire.

Aux Jeux olympiques d'Atlanta, l'haltérophile s'était classé 28e dans la catégorie des poids légers. Or, il n'est pas seulement doué en sports. Il a aussi un bon sens de l'observation.

Interrogé par les policiers au lendemain de son arrestation le 12 février 2009, Lavertue s'est vanté d'avoir détecté plusieurs véhicules de surveillance. Il a même réussi à nommer leurs modèles et le début des numéros d'immatriculation. Il se savait suivi depuis quelques mois et multipliait les manoeuvres de contre-filature, a-t-il souligné.

L'ex-olympien s'est aussi targué du fait que les stéroïdes anabolisants saisis chez lui étaient «des sortes rares». Le chef du clan est toutefois moins vantard lorsqu'il est question de parler de son organisation criminelle. Cette dernière n'était «pas grosse», a dit à la police celui qui se fait surnommer Le gars d'à côté, Le vieux, ou Johnny.

Au cours de cet interrogatoire, l'homme de 35 ans s'est contenté de sourire lorsque les policiers lui ont parlé du Hells Angels en cavale Normand Marvin «Casper» Ouimet. La police soupçonne Jean Lavertue d'avoir tenté d'amasser une cagnotte d'un million de dollars pour aider le motard recherché dans l'opération SharQc, peut-on lire dans un document du SPVM déposé en cour.

Connu des policiers avant le projet Axe

Même s'il se savait épié durant le projet Axe, cela ne l'a pas empêché de rencontrer à deux reprises une relation des Rockers, Stéphane «Toto» Meunier, dans le centre-ville de Montréal et à LaSalle, peut-on lire dans ce même document.

Les mauvaises fréquentations de l'ex-olympien datent de quelques années avant le début du projet Axe, selon les observations des policiers. Dès 1999, Jean Lavertue est vu dans le stationnement d'un casse-croûte de Verdun avec une douzaine de motards du club des Rockers. À l'époque, les enquêteurs parlent d'un «lien direct» entre lui et le «prospect» des Hells Angels Nomads, Pierre Laurin, arrêté dans l'opération antimotards Printemps 2001.

Les frères Jean et Patrick Lavertue entretenaient également des liens avec un trafiquant de drogues notoire du Nouveau-Brunswick, selon un projet d'enquête de la Gendarmerie royale du Canada mené à Moncton, en 2004. Cette année-là, Jean Lavertue est aussi vu en compagnie de Hells Angels de Montréal, dont Stéphane «Tit-Os» Trudel, dans un bar de danseuses nues de Québec. Lors de son interrogatoire, il a reconnu s'être rendu dans ce bar avec Trudel.

Avant le projet Axe, Jean Lavertue n'avait qu'un seul antécédent judiciaire, une affaire de voies de fait remontant à 1993, pour laquelle il a écopé d'un jour d'emprisonnement suivi d'une probation de trois ans.

Jean Lavertue est propriétaire d'un centre de conditionnement physique Gym Expert à Verdun, en plus d'être actionnaire du club d'haltérophilie Équipe Expert. Il possède aussi un immeuble dans le même quartier ainsi que deux maisons, dont l'une à Pointe-Claire, pour une valeur nette de près de 900 000$.

Ses frères, Patrick et Stéphane, sont chacun propriétaires d'une maison d'une valeur de quelque 300 000$ à Pointe-Claire. Dans les années 1990, Patrick a commis un méfait et un vol par effraction, en plus d'avoir été arrêté en conduisant avec les facultés affaiblies. Patrick est l'actionnaire majoritaire de l'entreprise de construction J B G. Quant à Stéphane, il ne possédait pas de casier judiciaire. Il travaille comme surintendant pour un fabricant de meubles haut de gamme.

Hier, leur avocat, Me Loris Cavaliere, les a décrits en cour comme «des gens qui ont travaillé légalement toute leur vie, mais qui, attirés par l'appât du gain, ont commis une erreur». «Quand ils se sont fait arrêter, ils se sont rendu compte que ce n'était pas aussi profitable qu'ils l'auraient cru», a insisté l'avocat de la défense.

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Une organisation bien huilée

4 millions

Chiffre d'affaires réalisé entre août 2007 et février 2009

50

Nombre de clients à qui le clan vendait des quantités de cocaïne allant de l'once au kilogramme.

10h à 22h

«Heures d'ouverture»

200$ à 700$

Paie hebdomadaire des employés de l'organisation.

1 moto

Chaque année, les frères Lavertue organisaient une fête pour leurs clients. Une Harley-Davidson était alors tirée au sort.

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Le clan sous surveillance

- 3 années d'enquête

- 580 filatures

- 80 000 conversations interceptées

- 26 membres arrêtés