Au coeur d'une guerre de territoire entre revendeurs de drogue dans le quartier Centre-Sud, le bar Le 2801 a été fermé, hier soir, sur l'ordre exprès de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec.

Le propriétaire de l'établissement de la rue Ontario a été convoqué d'urgence devant le tribunal de la Régie à la suite de deux attentats au cocktail Molotov survenus en moins d'un mois, dont le dernier en lice remonte à la nuit de mardi.

 

Outre ces attaques, des allégations de trafic de stupéfiants, de voie de fait et de liens avec les motards ont convaincu les régisseurs de révoquer le permis du bar sur-le-champ.

La sentence a été imposée en vertu d'une mesure d'urgence exceptionnelle décrétée par la Régie, appliquée contre seulement huit établissements licenciés depuis 2002.

La Régie peut recourir à cette mesure lorsque la poursuite des activités du bar est susceptible de compromettre la vie ou la santé de la population.

Le plus récent incendie criminel a forcé l'évacuation des locataires des deux appartements situés au-dessus du bar.

Même si les dégâts se sont avérés mineurs, la Régie estime que plusieurs facteurs justifient cette sentence musclée.

À commencer par le témoignage hier de cinq policiers, dont un témoin expert sur les gangs de motards, qui ont tour à tour dressé un sombre portrait du bar et de son propriétaire devant les régisseurs. «Si on n'était pas ici (en audience d'urgence), il y aurait une troisième attaque», croit l'expert du Service de police de la Ville de Montréal, qui travaille à la section des renseignements.

Cet expert se dit convaincu que les deux attaques ciblées contre le bar constituent des «messages» envoyés au propriétaire.

Des messages

Depuis le premier incident, survenu le 7 mars, quelqu'un dormait dans l'établissement. Ce gardien de nuit était d'ailleurs sur place lorsque le deuxième cocktail Molotov a été lancé mardi.

Des policiers du module moralité, des alcools et des stupéfiants de la région Sud - qui ont mené l'enquête - ont aussi évoqué des liens entre les Hells Angels et le propriétaire du bar, Patrick Corbeil.

Ce dernier était d'ailleurs déjà dans la ligne de mire des policiers, après avoir été arrêté en octobre 2009 dans le cadre d'une rafle.

Selon les policiers, Le 2801 servait de point de chute pour la vente de stupéfiants. Un revendeur était apparemment posté de l'ouverture à la fermeture à l'intérieur du bar.

Au moment de la frappe d'octobre 2009, les policiers ont arrêté sept personnes, dont Corbeil et deux autres individus soupçonnés s'entretenir des liens avec les Hells Angels.

Plus de 35 000$ en argent liquide et 27 quarts de cocaïne avaient entre autres été saisis dans le bar.

Les policiers avaient aussi saisi des bandes vidéo captées par les caméras de surveillance de l'établissement, sur lesquelles des transactions seraient enregistrées.

Spéculations et insinuations

De son côté, l'avocat qui représente le propriétaire du 2801 a fait valoir que la fermeture d'urgence du bar est inutile, puisque son client a vendu son établissement au début du mois et s'est engagé hier à ne pas rouvrir l'endroit jusqu'à son passage chez le notaire à la mi-avril.

Me Éric T. Sutton estime que son client n'a pas d'antécédents criminels, s'est montré coopératif avec les policiers et a vendu son immeuble avant les attaques.

L'avocat a mis en doute la crédibilité des sources qu'ont évoquées les policiers durant leurs témoignages. L'avocat a aussi qualifié de «spéculations» et «d'insinuations» plusieurs allégations portées contre son client, notamment ses liens avec le milieu interlope.

Aucun individu n'a été arrêté concernant les deux attentats et le SPVM poursuit son enquête. Hier soir, des agents de la moralité se sont rendus dans le bar pour mettre l'alcool sous scellés.

La suspension du permis sera effective jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise dans ce dossier, après une audience sur le fond.

La Régie espère que cette audience aura lieu dans les prochains jours.

Le bar faisait déjà l'objet d'un avis de convocation fixé en juin.

La Régie autorise toutefois le propriétaire du bar à faire des rénovations à l'intérieur du bar endommagé.