Le matin du 13 septembre 2000, le tueur à gages Gérald Gallant était à Montréal pour éliminer le chef des Hells Angels Nomads, Maurice Boucher, mais l'attentat qui a failli coûter la vie au journaliste Michel Auger a contrecarré ses plans.

Gallant a fait cette révélation dans l'une des 52 déclarations écrites ou filmées qu'il a faites à la police depuis qu'il est devenu délateur, en 2006. Suivant un scénario qu'il avait réalisé une bonne trentaine de fois sans se faire arrêter, Gallant voulait abattre Boucher après avoir attendu patiemment qu'il soit à sa portée. Il prévoyait ensuite retourner tout bonnement chez lui, à Québec. Selon l'information obtenue, Gallant aurait repéré le chef guerrier des Nomads dans un restaurant de la rue Sainte-Catherine Est. Comme c'était le cas depuis le début de la guerre contre les Rock Machine, il était entouré de ses sbires et semblait tenir une réunion. Soupçonnant des membres du gang de porter des armes, Gallant n'a pu passer à l'action sans risquer sans peau.

Chance en or

À en croire sa déposition, Gallant aurait, par contre, eu une chance en or d'exécuter Boucher quand il l'a croisé sur le trottoir, mais l'endroit grouillait de passants. Sans savoir pourquoi, Gallant avait aussi noté qu'il y avait plusieurs autos de police qui allaient et venaient dans le secteur. Il a donc quitté les lieux en se promettant de se reprendre plus tard.

 

Gallant a compris ce qui s'était passé lorsqu'il a appris peu après que le reporter judiciaire Michel Auger avait été atteint de six balles dans le terrain de stationnement du Journal de Montréal, rue Frontenac. Le suspect s'était ensuite rendu au restaurant où se trouvaient Boucher et ses hommes. Il a été vu par des policiers de l'escouade Carcajou qui épiaient Boucher ce jour-là. Ce n'est toutefois que beaucoup plus tard, lorsqu'ils ont appris le nom du présumé tireur, qu'ils ont refilé l'information à leurs collègues chargés de l'enquête. En après-midi, Boucher et ses acolytes s'étaient rendus dans un chic restaurant italien du boulevard René-Lévesque où, selon les policiers, ils ont fait la fête. Diverses vidéos présentées aux procès qui ont marqué l'opération Printemps 2001 montraient des membres des Nomads et de leur club-école des Rockers entrer dans le restaurant et en sortir pendant que des hommes de main faisait le guet.

Commandé par les Hells

Des membres du gang de motards arrêtés dans le cadre de l'opération Printemps 2001, dont Serge Boutin, qui est devenu délateur, ont pour leur part confirmé que ce sont les Hells Angels qui avaient commandé l'attentat contre Michel Auger. Outre le tireur, dont la police n'a jamais révélé l'identité publiquement, au moins trois autres personnes auraient participé à l'attentat. Faute de preuves pouvant satisfaire les tribunaux, personne n'a été accusé. Les tests sur les échantillons d'ADN trouvés dans l'auto ayant servi à la fuite des suspects ne se sont pas avérés concluants.

Pour l'instant, tout ce que l'on sait de Gérald Gallant, c'est qu'il obtenait présumément ses «contrats» des Rock Machine et du caïd Raymond Desfossés, du gang de l'Ouest. Ce dernier est emprisonné depuis déjà quelques années pour trafic de drogue à grande échelle. Selon les dénonciations judiciaires, Desfossés aurait notamment commandé à Gallant le meurtre de Robert Savard, spécialiste du prêt usuraire et proche collaborateur de Maurice Boucher, tué le 7 juillet 2000 à Montréal.

Âgé de 59 ans, Gallant purge quant à lui une peine d'emprisonnement à perpétuité pour les 28 assassinats et 13 tentatives de meurtre qu'il a reconnu avoir commis au moment de devenir délateur. Ses aveux ont permis l'an passé d'inculper 11 personnes, dont Gérard Hubert et son ancienne maîtresse, Jacqueline Benoît. L'un des accusés, Réjean Juneau, 57 ans, des défunts Rock Machine, a depuis retourné sa veste lui aussi. Il sera, avec Gallant, témoin à charge au procès qui se déroulera à Québec. La cause est de retour devant le tribunal vendredi.

Archives La Presse

Michel Auger dans son lit d'hôpital après la tentative d'assassinat dont il a été l'objet en septembre 2000.