Tout a commencé par une petite douleur. «Ici», dit Claude Chartier en mettant son doigt sur sa poitrine. Il a passé des tests. Le médecin l'a rappelé pour lui dire qu'il avait des taches sur les poumons. Puis le diagnostic est tombé: cancer.

Il était encore en prison quand il a appris la nouvelle. C'était en mai. Il savait qu'il serait libéré dans quelques mois.

Il a changé ses plans. Fini le retour aux études, la recherche d'un bon boulot, l'achat de meubles. Il a décidé de passer le plus de temps possible avec son fils et ses petits-enfants.

Il est sorti de prison en octobre. Sa priorité: trouver du travail, n'importe quoi. Laver la vaisselle, balayer le plancher... Il veut gagner assez d'argent pour gâter ses «petites puces», les emmener au McDonald's, payer sa carte d'autobus et ses menues dépenses. Rien de plus.

Le temps a hanté la vie de Claude Chartier. Le temps passé en prison, le temps qui fige, le temps qu'il lui reste à vivre depuis qu'il a appris qu'il a le cancer. De six à huit ans, l'a prévenu le médecin.

«Faire du temps (en prison), c'est du temps perdu. T'avances pas. Tous les jours sont pareils.» Et du temps, en prison, il en a fait. Des années derrière les barreaux. En 1978, il a été reconnu coupable de meurtre prémédité.

Il a tué un homme. Il raconte l'histoire en quelques mots, les lèvres pincées, le regard cloué au plancher. «J'aime pas parler de ça», laisse-t-il tomber.

La fille d'un ami s'est fait violer. Son ami lui a demandé de parler au violeur. Claude Chartier l'a attendu pendant cinq heures dans un bar. Il a pris un verre, puis un autre. Quand le violeur est entré, Claude n'était plus à jeun.

«J'ai sorti mon gun et je l'ai pointé sur lui. Je voulais juste lui faire une mise en garde. Il avait une baguette de pool dans les mains, il a fait un move pis paf! Je l'ai tué. De même. J'ai voulu jouer au gars qui arrange les affaires.»

Il a écopé de 25 ans de prison. Il avait 29 ans.

Il était un habitué des bars. Il a quitté l'école en neuvième année. Il travaillait déjà dans un bar, comme sa mère. «Je faisais plus d'argent que le prof», précise-t-il.

Son père, ancien lutteur, l'a toujours soutenu. «Mon père est mort en 2002, à 83 ans. Il est toujours venu me voir en prison. Il n'a manqué que deux visites: quand mon demi-frère est mort et quand il a fait une crise cardiaque. Il ne m'a jamais fait de reproches, mais il m'a parlé dans la face une couple de fois.»

La vie en prison était difficile. «C'était dur, rough. La chaleur humaine et l'amour du prochain, ça existe pas ben ben. On vit dans du béton et on a des sentences de fou. C'est un monde traître. Il y a des violents, des malades et des psychopathes là-dedans. La chicane pogne vite. On est dans la poubelle de la société.»

Et plus on vieillit, plus la prison devient étouffante.

«On est démuni, magané. Quand t'es vieux en prison, t'es seul, t'as personne. Souvent, ta famille est presque toute décédée. Les gars veulent sortir pour mourir dehors, en liberté.»

Claude est chanceux. Il a son fils et ses trois petites-filles, qu'il a surnommées Ouragan, Tempête et Tornade. Dans sa chambre en désordre, qu'il partage avec un autre ex-détenu dans une maison de transition, il a collé les photos de sa famille sur un mur près de la porte.

Sa priorité: passer à travers sa chimiothérapie. «J'ai pas d'ouvrage, je suis malade et je sors du pen. Pour l'instant, je pense à ma santé, pis à me trouver un emploi. Après, on verra.»