Il avait 64 ans lorsqu'il a vu, pour la première fois de sa vie, les barbelés de la prison de Sainte-Anne-des-Plaines.

Il venait d'être condamné à quatre ans de détention pour avoir agressé sa nièce. Lui, un homme au-dessus de tout soupçon qui n'avait eu que cinq contraventions dans sa vie.

M. Green a vécu les trois premiers mois de son incarcération à Sainte-Anne-des-Plaines. Un cauchemar.

«C'était épouvantable, dit-il avec lune lueur d'effroi dans les yeux. Les agresseurs sexuels ne sont pas les bienvenus en prison. J'avais toujours peur que des détenus me battent ou me plantent un poignard dans le dos. J'entendais du monde crier et des gars fesser dans les murs. J'étais perdu, tellement perdu.»

M. Green secoue la tête, incrédule devant sa vie qui s'est effondrée. Aujourd'hui, il est dans une prison à sécurité minimum dans les Laurentides. Assis sur une chaise en plastique, son large dos courbé, ses rares cheveux gris en bataille, il regarde fixement la table, tête baissée.

Ses malheurs ont commencé dès sa plus tendre enfance. Sa mère le battait avec une ceinture. «Une ceinture avec une grosse boucle», précise-t-il.

La première fois que la ceinture s'est abattue sur lui, il avait 3 ans. «Ma mère ne voulait pas de garçon, soupire-t-il. J'ai toujours voulu qu'elle m'aime. Vieille, elle a été placée dans un centre. Elle m'a tout de suite prévenu: «Viens pas me voir!»

Il a été marié deux fois. Sa première femme l'a trompé avec son meilleur ami; sa deuxième l'a ignoré. Il se sentait seul, abandonné. Encore.

Il s'est attaché à sa nièce. Il la traitait comme sa fille. Il a commencé à la caresser par-dessus ses vêtements. Elle avait 7 ans. «Je la connaissais tellement bien, mieux que ma femme! Je devinais ses goûts pour le maquillage, les robes. On se promenait, on allait au resto. Elle était devenue ma compagne. J'étais bien, avec Marie.»

Influencée par Nathalie Simard, qui a dénoncé son agresseur, Marie a appelé la police. Elle avait 18 ans. «Elle m'a dénoncé, dit M. Green. Elle a bien fait. On ne s'en rend pas compte, mais à un moment donné il n'y a plus de bien ou de mal. C'est quand on est arrêté qu'on commence à voir l'ampleur de ce qu'on a fait.»

M. Green se tait. Des larmes silencieuses coulent sur ses joues. Il ne fait pas un geste pour les essuyer.

«Je devrais être libéré en 2011. J'aurai 67 ans. J'ai vendu ma maison. J'ai un peu d'argent et ma santé est bonne, à part un peu d'arthrose et un genou qui me fait souffrir. Je veux voyager, faire de la photo, prendre ça easy. Je vais essayer de partir à neuf, je n'ai pas le choix.»

Mais il sait que l'image de Marie va le hanter. «Je voudrais m'excuser, lui demander pardon, mais je ne peux pas la voir. C'est souffrant. Et ça va être comme ça jusqu'à la fin de mes jours.»