Si le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a transporté sa lutte pour les droits des victimes d'actes criminels au Parlement, sa bataille ne se fera que par l'entremise des mesures présentées par les conservateurs.

Nommé officiellement au Sénat par le premier ministre Stephen Harper, fin janvier, M. Boisvenu avait d'entrée de jeu annoncé qu'il venait à Ottawa d'abord et avant tout pour défendre les droits des victimes, puisqu'il pourrait y influencer la rédaction de projets de loi en la matière.

Sept semaines plus tard, le sénateur québécois semble cependant revenir sur son engagement.

La Chambre des communes étudiera en deuxième lecture, jeudi, un projet de loi du Bloc québécois pour permettre aux parents d'un enfant mineur disparu ou qui s'est suicidé de s'absenter de leur travail et de toucher des prestations d'assurance-emploi pendant un maximum de 52 semaines. Le libellé de la mesure prévoit également des prestations dans le cas du décès d'un conjoint ou d'un enfant à la suite d'un acte criminel.

M. Boisvenu s'était présenté aux côtés des bloquistes, en 2008, pour appuyer le projet de loi et demander aux conservateurs de faire de même, alors qu'il était président de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD) qu'il a fondée à la suite de l'assassinat de sa fille Julie.

«Les ministres, députés et sénateurs conservateurs s'étaient alors montrés favorables aux demandes de l'AFPAD», avait-t-il noté, en mai 2008, au sujet d'une rencontre qu'il avait eu à l'époque avec le caucus du parti.

«Ce gouvernement doit maintenant faire en sorte que ses actions correspondent à ses engagements en appuyant rapidement le projet de loi de France Bonsant (la députée bloquiste qui a déposé la proposition)», avait soutenu M. Boisvenu.

Le sénateur a toutefois affirmé, mercredi, qu'il n'appuierait pas la mesure cette fois-ci, parce que les conservateurs se sont engagés dans le dernier budget fédéral à présenter une mesure allant dans le même sens. La proposition du Bloc est donc «tout à fait inutile», selon lui.

Le gouvernement conservateur a annoncé, dans le budget déposé début mars, avoir prévu une enveloppe de 6,6 millions $ sur deux ans «pour accroître le soutien aux victimes d'actes criminels, y compris faciliter l'accès aux prestations de maladie de l'assurance-emploi pour les travailleurs admissibles qui ont perdu un membre de leur famille en raison d'un acte criminel». Le document ne contient pas plus de détails et le gouvernement n'a pas encore déposé sa proposition.

M. Boisvenu a fait valoir, à son entrée au caucus national de son parti mercredi matin, que la voie d'action est plus rapide pour les projets de loi émanant du gouvernement, plutôt que les projets de loi privés des députés.

Questionné à savoir s'il était venu sur la Colline parlementaire pour défendre les droits des victimes uniquement par le biais de mesures conservatrices, le sénateur a été clair: «c'est évident».

«J'ai plus foi en ce qui va se faire au niveau des conservateurs, qui à mon avis ont plus de pouvoirs pour faire acheminer ce dossier-là, qui est déjà dans le discours du budget et dans le discours du Trône. (...) Alors que Mme Bonsant dépose ça, moi je pense que c'est strictement pour faire obstruction au projet de loi des conservateurs», a estimé le sénateur québécois.

Une position qui a fait bondir le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui voit dans le changement de cap de M. Boisvenu une directive venue d'en haut, au Parti conservateur.

«Il vient de contredire ce qu'il disait à mes côtés en conférence de presse il y a deux ans. (...) Il ne comprenait pas que les conservateurs n'appuyaient pas le projet. Alors j'imagine que maintenant il a changé d'idée. Il est plus sénateur que lorsqu'il défendait, étant président de l'association, les droits des victimes», a reproché M. Duceppe, en ajoutant que l'AFPAD appuyait toujours quant à elle le projet de loi bloquiste.

«Or lui, comme sénateur, a choisi la ligne des conservateurs plutôt que la défense des victimes», a-t-il estimé.