Un homme de 24 ans, Dany Ouellette, poignardé de 35 coups de couteau. Un accusé âgé de 16 ans. Le meurtre survenu devant le bar Le Black Jack, dans Saint-Henri, dans la nuit de samedi à dimanche, suscite émoi, tristesse et bien des questionnements.

«Si j'avais le jeune (accusé) devant moi, j'aurais une seule question pour lui: pourquoi autant de coups de couteau? Pourquoi?»

 

Nancy Émond est atterrée. La voix étouffée par les sanglots, elle a du mal à exprimer les émotions qui l'habitent au lendemain du meurtre sauvage de son neveu, survenu dans la nuit de samedi à dimanche.

Dany Ouellette, 24 ans, aurait été poignardé à 35 reprises à la sortie d'un bar du quartier Saint-Henri. Son assassin présumé, un adolescent de 16 ans, a été accusé hier de meurtre prémédité au tribunal de la jeunesse de Montréal.

Des traces de sang séché sont encore visibles sur le trottoir devant le bar Le Black Jack, rue Notre-Dame. Des gerbes de fleurs ont été accrochées à un lampadaire, sous une affiche montrant une photo de la jeune victime, tout sourire. Un crayon feutre attaché à une ficelle pend dans le vide. Plusieurs personnes, surtout des proches, s'en sont servies pour rendre hommage au disparu. «Salut, mon homme, repose en paix», «Tu n'es pas seul... Ton fils est avec toi», peut-on notamment lire. Dany Ouellette avait perdu un enfant, mort à la naissance l'an dernier, souligne sa tante Nancy Émond.

À son tour, le jeune homme a abruptement perdu une vie qui commençait à peine à lui sourire. Ce «p'tit tough» de Saint-Henri avait récemment surmonté des problèmes d'alcool et reprenait tranquillement sa vie en main, raconte Nancy Émond. «C'est un bon petit gars, sa mère était tout pour lui. Il ne méritait pas un tel sort, c'est gratuit. Je suis sans mots», laisse-t-elle tomber. «C'est un jeune homme respectueux, ponctuel et très bon travaillant», énumère de son côté le patron d'un garage de Verdun, qui avait embauché le jeune homme en décembre.

Selon Nancy Émond, les parents de Dany Ouellette sont en état de choc, à commencer par la mère, qui travaille dans un supermarché situé à un jet de pierre des lieux du drame.

La famille tente de démêler ce qui s'est passé ce soir-là à l'intérieur du bar Le Black Jack, voisin d'un bar d'effeuilleuses. La tante de Dany Ouellette croit qu'une dispute au sujet d'une fille pourrait expliquer le drame. La victime, habituée de l'endroit, se rendait souvent au bar pour y rencontrer une employée qui l'intéressait, explique Mme Émond.

Son neveu connaissait son présumé meurtrier et deux des agresseurs, puisqu'il partageait vraisemblablement une table avec eux ce soir-là, ajoute-t-elle.

Pour l'heure, la famille de Dany Ouellette, tiraillée entre la colère et le chagrin, exige des réponses. «Que faisaient des adolescents dans un bar et pourquoi les employés ou le portier de l'établissement n'ont-ils rien fait pour empêcher ce crime?» peste Nancy Émond.

Joint par La Presse, le propriétaire du bar, Peter Sergakis, également président de l'Union des tenanciers de bars du Québec, a préféré ne pas commenter le drame pour ne pas nuire à l'enquête policière en cours.

Les bureaux de Placements Sergakis se trouvent juste à côté du Black Jack et du bar d'effeuilleuses, deux établissements qui lui appartiennent.

La Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec avait suspendu le permis du bar durant deux jours en 2005, à cause, notamment, de la présence d'une personne mineure en 2002.

À l'intérieur du bar, vers midi hier, il n'y avait qu'une poignée de clients assis devant les appareils de loterie vidéo. La barmaid sirotait un café au bar. «Je ne peux pas parler», a-t-elle coupé. Dans la rue, deux employées de Placements Sergakis ont avoué être secouées par la brutalité du crime. «Il y a rarement des chicanes, parfois des petites bagarres, mais pas au point de s'entretuer», a résumé l'une d'elles.

Placardée dans la porte d'entrée, une affiche prévient les clients que des caméras de surveillance sont installées «pour votre protection».

L'une de ces caméras, perchée sur la façade des bureaux de Placements Sergakis, est d'ailleurs braquée sur le trottoir où s'est joué le drame. La police n'a pu confirmer si des bandes de l'attaque avaient été saisies.

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Les jeunes et le crime

De 40 à 60 homicides par année sont commis par des jeunes au Canada

De 3 à 6 homicides par année sont commis par des adolescents au Québec

15% des homicides sont commis par des jeunes au Canada

44% des homicides commis par des jeunes sont perpétrés à l'aide d'un couteau

52% des homicides commis par des jeunes mettent en cause plusieurs agresseurs

22% des jeunes meurtriers canadiens sont liés à un gang

Source: Statistique Canada