Le cas est rarissime. Martin Rondeau, qui a battu à mort sa bienfaitrice, soeur Estelle Lauzon, le matin du 13 août 2007 à Montréal, a été déclaré non criminellement responsable parce qu'il souffrait «d'épilepsie nocturne» au moment des tragiques événements.

Chez Rondeau, âgé de 33 ans, ce problème neurologique se traduit par des crises violentes qui surviennent occasionnellement pendant son sommeil. L'homme fait alors des convulsions et devient confus, désorienté, craintif et très agressif. Depuis son arrestation, en 2007, il a fait une douzaine de crises du genre, en prison et à l'hôpital. Les gardiens et les infirmiers doivent alors se mettre à plusieurs pour le maîtriser. Après les crises, Rondeau ne se souvient de rien mais il a de forts maux de tête. Autrement, il est décrit comme un homme calme qui se conforme aux règles et qui a de l'humour.Dans l'affaire qui nous occupe, l'homme était accusé du meurtre non prémédité de soeur Lauzon. Son procès devant jury devait commencer hier matin. L'exercice a pris une tournure tout à fait différente puisque les quatre experts qui se sont penchés sur son cas, deux psychiatres et deux neurologues, sont parvenus à la conclusion citée plus haut. C'est ce qu'ont expliqué hier matin au juge Guy Cournoyer le procureur de la Couronne, Louis Bouthillier, et l'avocate de la défense, Annie Émond.

Tôt le matin

Le drame est survenu tôt le matin du 13 août 2007, au deuxième étage d'un édifice appartenant aux soeurs de la Providence, au 2350, boulevard De Maisonneuve Est. Les religieuses y hébergent des hommes en difficulté qui tentent de se réintégrer dans la société. Rondeau, qui a connu des problèmes de drogue et a été sans-abri dans le passé, y vivait depuis presque un an et demi au moment du drame. Il était abstinent depuis 2005 et s'entendait très bien avec soeur Lauzon, qu'il considérait comme sa seconde mère.

On suppose que soeur Lauzon a trouvé Rondeau hors de sa chambre le matin en question et qu'elle s'est approchée pour lui demander ce qu'il faisait. La frêle religieuse de 4 pi 11 po a été brutalement frappée et peut-être même piétinée par le gaillard, qui fait près de 6 pi et qui pèse plus de 200 lb. Rondeau serait allé se recoucher par la suite, pour se réveiller à 8h31. Il a alors constaté qu'il avait les mains ensanglantés. Il s'est rendu dans le corridor et a vu des gens attroupés autour de la religieuse, étendue par terre. Il a alors appris qu'elle était morte, mais il ignorait qu'il était l'auteur du meurtre. Il ne se rappelait rien de l'incident. Il a été arrêté sur place, le matin même.

Les avocats des deux parties ont recommandé que l'accusé soit déclaré non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. Le juge a accepté; il donnera ses motifs demain après-midi et tiendra une audience pour savoir ce qu'il convient de faire avec Rondeau pour assurer la sécurité du public. L'homme, qui est aussi atteint d'une maladie bipolaire, a absolument besoin de prendre des médicaments. Selon les rapports, il avait fait une première crise semblable en décembre 2006. Il avait été retrouvé nu, confus et agressif, en pleine nuit, sur le toit de l'immeuble des soeurs de la Providence. Amené à l'hôpital, il en était ressorti sans avoir de suivi.

Déjà pardonné

Selon la directrice des soeurs de la Providence, soeur Pauline Massicotte, qui assistait à l'audience hier matin, Rondeau n'avait pas pris ses médicaments depuis une dizaine de jours quand le drame est arrivé. Il n'avait pu faire renouveler son ordonnance, selon elle. Les religieuses ont traversé une grande épreuve en perdant une des leurs de façon aussi brutale, mais elles ont pardonné tout de suite à Rondeau, qui n'est «pas méchant», a fait valoir soeur Massicotte.

«C'est un diagnostic auquel on s'attendait. Et si c'est prouvé scientifiquement, on ne peut pas aller à l'encontre de la science», a dit doucement la religieuse en sortant de la salle d'audience.