Après avoir passé 32 ans en prison pour un meurtre qu'il affirme ne pas avoir commis, Roméo Phillion est revenu devant un tribunal, lundi, mais cette fois en homme libre.

Il a alors formulé une demande étonnante: il souhaite être de nouveau accusé de ce crime, de manière à pouvoir plaider non coupable pour blanchir une fois pour toutes sa réputation.

M. Phillion, aujourd'hui âgé de 70 ans, a indiqué qu'il n'est peut-être pas un ange, mais qu'il n'est pas non plus un tueur.

La Cour d'appel de l'Ontario a annulé l'an dernier sa condamnation pour le meurtre du pompier d'Ottawa Léopold Roy, commis en 1967. Le tribunal a ordonné la tenue d'un nouveau procès, tout en précisant qu'il ne concluait pas pour autant à l'innocence de M. Phillion.

Son avocat, James Lockyer, fait valoir qu'au lieu de simplement permettre aux avocats de la Couronne de retirer l'accusation de meurtre, la cour devrait exiger qu'on porte une nouvelle accusation afin que son client puisse plaider non coupable et qu'on le déclare innocent.

Le tribunal entendra encore plusieurs autres arguments au cours des prochains jours avant de prendre une décision.

L'homme de 70 ans avait été condamné et emprisonné pour le meurtre commis en 1967. Il a toujours clamé son innocence mais ignorait qu'un rapport de police qui aurait pu mener à son acquittement était enterré dans les dossiers de la police. Ce rapport, rédigé le 12 avril 1968 par l'un des enquêteurs, confirmait que M. Phillion avait apporté sa voiture pour réparation à un garage de Trenton moins de deux heures avant que le pompier ne soit poignardé à mort. Selon ce rapport, il n'aurait pu revenir à temps à Ottawa pour commettre le meurtre.

L'an dernier, la Cour d'appel de l'Ontario avait annulé la condamnation de Roméo Phillion puisque ce rapport aurait pu convaincre les jurés, en 1972, d'en arriver à une autre conclusion sur sa culpabilité. La Cour avait alors ordonné la tenue d'un nouveau procès. Mais le procureur général de l'Ontario, Chris Bentley, en a décidé autrement: il a plutôt choisi de retirer l'accusation de meurtre.

C'est l'option que redoutait M. Phillion, qui estime qu'il ne sera ainsi jamais blanchi. Son avocat va tenter de faire renverser par un tribunal la décision du ministre Bentley. Quant aux avocats de la Couronne, ils plaideront que M. Phillion essaie de contourner la discrétion historique qu'ont les procureurs de la Couronne de déterminer quels dossiers se rendent à procès.