Me Francine Lessard est une avocate très occupée à plaider... ses propres causes! Depuis 1998, elle a multiplié les recours abusifs, n'hésitant pas à se rendre jusqu'en Cour suprême. La Cour supérieure vient de mettre le holà à ses prétentions en la déclarant quérulente.

Cela signifie que Me Lessard peut plaider pour les autres, mais qu'elle ne pourra plus engager de poursuites en Cour supérieure en son nom, à moins d'obtenir l'autorisation écrite du juge en chef. C'est ce qui se dégage de la décision que la juge Nicole Bénard a rendue cette semaine.

 

Dans le même document, la juge déboute Mme Lessard d'une poursuite en responsabilité médicale de 750 000$ et la condamne à payer les dépens ainsi que 8000$ aux deux médecins qui ont eu à se défendre contre cette poursuite absolument déroutante.

La juge Bénard amorce son jugement par cette phrase qui en dit long: «Situation incroyable, mais vraie: Mme Francine Lessard poursuit le Dr Jacques Lesage, le Dr Louise Lambert et la Régie des rentes du Québec, pour lui avoir donné raison pour sa demande de rente d'invalidité.»

En résumé, Mme Lessard demandait une rente de la Régie des rentes avant l'âge de 60 ans, pour cause d'invalidité. Mais elle n'acceptait pas que cette invalidité soit basée sur le diagnostic de «trouble délirant.»

Forcée de prendre congé pour invalidité

Me Lessard a été admise au Barreau en 1972. Elle travaillait comme avocate à la Régie du bâtiment quand, en mars 1996, son employeur l'a obligée à prendre un congé pour invalidité. Elle a alors reçu de la compagnie d'assurances La Capitale une rente d'invalidité. En novembre 1997, son employeur lui a suggéré de prendre sa retraite, et La Capitale a cessé ses paiements. Me Lessard les a poursuivis.

Une entente a été conclue en 2001, et Mme Lessard s'est engagée à demander à la Régie des rentes une rente d'invalidité, laquelle devait être prise en considération pour déterminer les prestations dans l'avenir. Mme Lessard s'est exécutée et a indiqué être incapable de travailler pour un trouble anxieux dépressif causé par les problèmes scolaires de son fils et le décès de son père.

La Régie a rejeté sa demande au motif qu'elle n'était pas complètement inapte, ce que Mme Lessard a contesté. La Dre Louise Lambert, évaluatrice à la Régie des rentes, a alors demandé une expertise psychiatrique au Dr Lesage. Au terme de son expertise, celui-ci a conclu que Mme Lessard souffrait d'un «trouble délirant de type persécutoire, sans possibilité de traitement, car Mme Lessard nie sa maladie». La Dre Lambert a donc approuvé l'invalidité totale de Mme Lessard, qui obtenait ainsi gain de cause. Mécontente du diagnostic, Mme Lessard poursuit les deux médecins!

La juge note que Mme Lessard a intenté ce recours sans aucun fondement en droit. Par ailleurs, il s'agit d'une des innombrables poursuites bancales qu'elle a intentées depuis une douzaine d'années, notamment contre les centres jeunesse, les intervenants et les avocats, au sujet de son fils.

Au procès, Mme Lessard a elle-même fait valoir qu'elle avait investi des ressources considérables dans ses recours: 70 000 km de déplacement par année, et 250 000$ en frais de toutes sortes, sans compter les frais d'avocat puisqu'elle se représente elle-même. La juge a conclu que Mme Lessard réunit les huit symptômes du plaideur quérulent et lui a apposé cette étiquette.

«La maladie de Mme ne la rend pas inapte au sens du Code civil du Québec. Il lui appartient de se prendre en main et d'accepter les conseils des professionnels, de consulter et de se faire soigner», conclut la juge Bénard, dans sa décision. Vérifications faites auprès du Barreau du Québec, Me Lessard est toujours inscrite au Tableau de l'Ordre, et elle n'a aucun antécédent disciplinaire.