Claude Auger, ex-régisseur des sports à la Ville de Montréal-Nord âgé de 70 ans, devra payer 195 000$ à un beau-frère qu'il a agressé sexuellement à plusieurs reprises il y a plus de 40 ans, vient de décider la Cour supérieure.

Même si les événements remontent à loin, la juge Anne-Marie Trahan est persuadée que la victime, Gérard Lauzon, maintenant âgé de 58 ans, dit vrai. «Au moins, quelqu'un m'a cru», dit M. Lauzon. Fait particulier, il n'a jamais porté plainte à la police, mais il songe à le faire. «C'est la prochaine étape», dit celui qui considère que les gestes de son beau-frère ont gâché sa vie. Il a gardé ce lourd secret pendant près de 40 ans. En fait, ce n'est qu'en 2004 qu'il a commencé à en parler à un thérapeute, qui lui a fait comprendre qu'il n'était coupable de rien puisqu'il était enfant à l'époque.

 

Dans la foulée, M. Lauzon a demandé 7000$ à M. Auger pour payer sa thérapie et, pour ainsi dire, vendre son silence. M. Auger a payé. Mais l'année suivante, M. Lauzon est revenu à la charge et a réclamé une compensation de 10 000$ par année jusqu'à la fin des jours de M. Auger. L'affaire s'est alors retrouvée en Cour supérieure.

Selon la preuve présentée à la juge Trahan, M. Lauzon avait 7 ans lorsque l'amoureux de sa soeur, Claude Auger, s'est livré pour la première fois à des attouchements sur lui, vers la fin des années 50. Quelques années plus tard, alors qu'il était adolescent, M. Lauzon a été contraint d'aller garder les enfants de sa soeur et d'Auger. Les agressions se sont alors multipliées, au point de devenir routinières. L'homme s'exhibait, faisait des attouchements et exigeait des fellations. Cela se passait la plupart du temps quand sa femme était au travail et que M. Auger rentrait lui-même du boulot, le soir.

Selon la victime, il y a eu aussi des attouchements dans le sous-sol de l'église Sainte-Colette, où M. Auger faisait certaines activités de loisirs pour la Ville de Montréal-Nord. Il s'occupait notamment des arénas et du hockey pour les jeunes. Cela est aussi arrivé dans sa voiture ainsi que dans un appartement de la rue Lajeunesse. À cet endroit, M. Auger aurait aussi fait des attouchements à une soeur de M. Lauzon.

Quoi qu'il en soit, M. Lauzon soutient qu'il était trop terrorisé pour réagir et trop honteux pour en parler. Cela l'aurait amené à abandonner l'école et à souffrir, entre autres, de problèmes d'estime de soi, d'alcoolisme, de dépression, d'attaques de panique. Il s'est aussi mis à craindre les personnes en autorité. Il pense en outre que ces agressions ont engendré son homosexualité.

Soutenu par sa femme (soeur de la victime), M. Auger a nié avoir commis ces gestes. Mais la juge ne l'a pas cru. Il a aussi fait valoir que la requête de M. Lauzon était prescrite, argument que la juge a balayé. M. Lauzon était dans l'impossibilité d'agir avant, car il avait perdu son libre arbitre en raison des gestes de M. Auger, a conclu la juge.

M. Lauzon réclamait 305 000$. La juge lui a accordé 195 000 (dont 100 000$ pour dommages moraux et atteinte à l'intégrité, et 50 000$ pour la perte d'années de scolarité.) Avec les intérêts, la somme pourrait frôler les 250 000$. Me Alain Lessard, qui représentait M. Lauzon dans cette affaire, est d'avis qu'il s'agit d'une belle victoire. M. Auger dispose de 30 jours pour porter ce jugement en appel.