Le plus haut tribunal de l'Arabie Saoudite a renversé samedi la peine de mort par décapitation imposée à Mohamed Kohail, un Montréalais accusé d'avoir assassiné un jeune homme de 19 ans lors d'une bagarre en 2007.

Si les proches du jeune homme de 24 ans sont soulagés de la décision rendue par le conseil suprême saoudien, ils rappellent que leur calvaire est loin d'être terminé.

«C'est la meilleure nouvelle que nous avons reçue en trois ans de cauchemar», a raconté Mahmoud Al-Ken, le porte-parole de la famille que La Presse a joint en Syrie. «J'ai parlé à ses parents plus tôt (samedi) et ils sont extrêmement optimistes pour la suite des choses, mais on ne veux pas crier victoire avant que le processus judiciaire soit terminé.»

Selon le ministère des Affaires étrangères du Canada, Mohamed Kohail devra subir un nouveau procès. Un porte-parole du ministère, Alain Caccione, n'a toutefois pas été en mesure d'indiquer si le verdict de culpabilité a également été renversé par la décision.

«Le conseil suprême n'a pas encore justifié sa décision donc on ne sait pas encore quelles questions seront abordées dans ce nouveau procès. Mais pour nous, c'est clairement la reconnaissance de son innocence», a déclaré Al-Ken, l'ancien voisin des Kohail avant que la famille de Dollard-des-Ormeaux s'installe définitivement en Arabie Saoudite pour suivre les procès. «Nous exigeons maintenant qu'il soit relâché de prison pour qu'il reprenne ses études. Trois ans de sa vie ont été fauchés.»

Barry Gaiptman, un conseiller d'orientation qui a bien connu Mohamed lorsqu'il fréquentait l'école secondaire et qui milite auprès du gouvernement canadien depuis trois ans pour empêcher l'exécution de son ancien étudiant s'est également réjoui de la décision rendue samedi.

«Je ne peux pas vous décrire à quel point je suis heureux, a-t-il confié. C'est la première fois que l'on m'annonce une bonne nouvelle dans ce dossier depuis trois ans. Ce fut vraiment une expérience frustrante. Après les pétitions, la manifestation et les pressions effectuées au parlement sans que rien ne change, je dois vous avouer que je commençais à être découragé.»

L'avenir de Sultan Kohail toujours incertain.

Le sort de Sultan - le frère cadet de Mohamed qui est également accusé du meurtre - demeure incertain. D'abord condamné à un an de prison et 200 coups de fouets devant un tribunal de la jeunesse, son dossier a récemment été transféré à la cour pour adultes et pourrait ultimement se solder par une condamnation à mort.

«Nous pensons que la décision du conseil suprême aura un impact positif dans le cas de Sultan», a précisé Mahmoud Al-Ken qui est en contact constant avec les parents des deux accusés qui refusent de s'adresser aux médias avant la conclusion de cette saga judiciaire.

De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon s'est dit «très heureux» des derniers développements dans l'affaire. Rappelons que les députés libéraux à Ottawa ont fréquemment critiqué le premier ministre Stephen Harper, qu'ils accusent de ne pas avoir suffisamment intervenu dans ce dossier.

«Le gouvernement du Canada a soulevé à plusieurs reprises les cas de Sultan et Mohamed Kohail auprès de ministres saoudiens de haut rang, et cette affaire reste pour nous une priorité. Nous continuerons de suivre activement le déroulement de cette affaire et d'apporter aide et appui aux frères Kohail et à leur famille», a-t-il déclaré dans un communiqué.

En raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le ministère des Affaires étrangères n'a pu donner plus de détails sur le dossier.

Rappel des faits

Mohamed Kohail a vécu avec sa famille dans la région de Montréal pendant six ans. D'origine palestinienne, il est né en Arabie Saoudite où il détient le statut d'immigrant. Il possède la citoyenneté canadienne. En 2006, les Kohail sont retournés en sol saoudien.

En mars 2008, Mohamed Kohail et un ami originaire de la Jordanie ont tous deux été condamnés à la peine de mort. Les suspects étaient soupçonnés d'avoir été impliqués dans l'assassinat d'un adolescent de 19 ans, Munzer Al-Hiraki, à Djeddah en 2007. Le drame a pris naissance dans une cour d'école après que Sultan se soit disputé avec la cousine de Al-Hiraki.

Les deux frères ont continuellement affirmé avoir agi par légitime défense, et assurent n'avoir joué aucun rôle dans les blessures fatales survenues pendant la bataille, qui a impliqué des dizaines d'adolescents.

Par ailleurs, Mohamed Kohail prétend avoir été contraint à confesser le crime sous la torture. Tout au long de l'année, son dossier s'est promené de tribunal en tribunal en Arabie saoudite. Il a d'abord été condamné par un tribunal de première instance à un verdict qui entraînait automatiquement la peine de mort. La décision a par la suite été maintenue par la Cour d'appel, mais la conseil suprême vient de la renverser.

Barry Gaiptman dit qu'il a toujours été convaincu de l'innocence des deux jeunes garçons. «On a toujours ressenti qu'ils n'étaient pas responsables. La décision rendue samedi est un premier pas dans la bonne direction, mais nous ne cesseront pas nos efforts qu'au jour où ils seront de retour au Canada.»

Avec La Presse Canadienne.