Après une accalmie de quelques semaines, un autre café italien de Montréal a été ciblé par une attaque hier soir. Ce nouvel incident porte à 14 le nombre de fois que des cocktails Molotov ont été projetés dans des cafés du nord de la métropole depuis septembre.

L'attaque s'est déroulée vers 22h00 au café Côté Est, à l'angle des rues Charland et Bruchési. Trois suspects dans la vingtaine ont fait irruption dans le minuscule café, dans lequel s'entassent quelques tables, des cadres et un jeu de babyfoot. L'établissement, pratiquement incognito, se fond dans le paysage résidentiel et est  annexé à une maisonnette en briques. Le café n'a aucune enseigne et serait difficile à repérer sans la planche de contreplaqué de la compagnie d'après-sinistre qui placarde la porte ce matin.

Après avoir débarqué en trombe dans le café, les suspects, armés, auraient agressé les quelques employés et clients. L'un d'eux aurait reçu un coup de crosse de revolver à la tête. Les suspects ont ensuite exigé le contenu du tiroir-caisse, tandis qu'ils aspergeaient le plancher d'essence. En quittant les lieux, ils ont lancé deux cocktails Molotov, mais les flammes ont été rapidement circonscrites par les gens sur place.

Un complice au volant d'une voiture attendait les suspects devant la porte.

Les passants interrogés ce matin dans le secteur ont décrit le café comme un endroit tranquille et sans histoire. «Il n'y a jamais de problème. Les gens jouent aux cartes, s'amusent», laisse tomber cet habitué.

Et pourtant, le meurtre d'un homme de 46 ans, Gaetano Mingione, avait apparemment été perpétré entre les murs de cet établissement le 23 décembre 2008. Sans compter l'autre attaque au cocktail Molotov commis en octobre au Café Bistro Charland, situé à un jet de pierre de là.

Comme dans la quasi-totalité des autres attaques, la vitrine du café Bistro Charland avait été fracassée aux aurores, un cocktail Molotov avait été projeté à l'intérieur, avant de s'éteindre rapidement. C'est donc la première fois depuis le début de cette vague que des suspects font irruption à l'intérieur d'un café pendant qu'il y a des clients à l'intérieur. Toutefois, le Service de police de la Ville de Montréal ne fait pas de lien entre ce dernier incident et la vague d'attentats qui s'est amorcée cet automne.

Une chose est certaine, la résidente de la maison qui jouxte le café ciblé hier n'a pas l'intention d'attendre un nouvel épisode de violence. «J'étais chez moi hier soir. Le téléphone ne fonctionnait pas, ni le système d'alarme. J'ai senti de l'essence. J'ai entendu du bruit. J'ai eu peur et je suis parti chez ma cousine», raconte la jeune femme, qui habite seule et dit avoir craint pour sa vie. «Je veux déménager, c'est dangereux!», ajoute la locataire, qui voisine le café depuis deux ans. Selon elle, le café, fréquenté par des jeunes, est toujours calme. Sauf hier et le soir du meurtre en 2008. «Je n'avais pas dormi pendant une semaine en apprenant qu'un homme avait été abattu», se souvient la jeune femme.

Il s'agit du premier incident dans un café italien depuis l'arrestation en décembre d'un suspect de 18 ans vraisemblablement impliqué dans la vague d'attaques. Démosthène Mickendy, connu des policiers pour ses liens avec les gangs de rue, aurait joué un rôle dans un moins une des attaques.

Encore à ce jour, la police n'a toujours pas divulgué les mobiles de ces attaques. Mais plusieurs hypothèses circulent, notamment le «fractionnement» de la pègre montréalaise. Des gangs de rue et des petits revendeurs indépendants tenteraient de profiter de la désorganisation des Hells Angels et de la mafia, dont les assises ont été fortement ébranlées par plusieurs frappes policières récentes, pour se tailler une place sur l'échiquier interlope.

Une autre hypothèse évoque des tensions entre des clans italiens. Tensions qui ne risquent pas de se résorber avec le récent assassinat de Nicolo Rizzuto, fils du présumé chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto. L'assassinat de Nicolo Rizzuto et les attaques contre les cafés illustreraient l'instabilité qui règne au sein de la mafia montréalaise. Les incendies des cafés italiens pourraient même avoir été allumés par des gangs de rue à la solde d'un clan italien.

Enfin, l'assassinat en janvier dernier de Sam Faluso, trafiquant de drogue qui contrôlait vraisemblablement plusieurs cafés italiens, pourrait aussi expliquer les attentats du dernier mois. Les incendies pourraient ainsi s'inscrire dans une offensive visant à mettre la main sur le territoire du trafiquant.

Du côté du Service de police de la Ville de Montréal, toutes les hypothèses énumérées plus haut sont envisagées et l'enquête se poursuit, menée par la Section des incendies criminels. Le travail des policiers est cependant compliqué par l'omerta qui règne autour de cette vague d'attaques. Les victimes collaborent peu, avait expliqué il y a quelques semaines le commandant Robert Quévillon, de la Section des incendies criminels.

Les nombreux employés et propriétaires des cafés - ciblés ou non - interrogés par La Presse depuis le début de cette affaire se sont effectivement montrés peu loquaces. Tous soutiennent n'avoir fait l'objet d'aucune menace et tenir des endroits propres, sans liens avec le crime organisé.

LES ATTENTATS

5 JANVIER

CAFÉ CÔTÉ EST

(2450 rue Charland)

26 NOVEMBRE

CAFÉ-BISTRO LAROSA

(3943 rue Fleury)

24 NOVEMBRE

CAFÉ-BAR FERRARI

( 8061 André-Ampère)

23 NOVEMBRE

CAFÉ VEGAS

(2670, rue Jean-Talon)

19 NOVEMBRE

CAFÉ CRYSTELE

(Angle Villeray et 17e avenue)

5 NOVEMBRE

CAFÉ AVIANO

(Angle Saint-Michel et Legendre)

29 OCTOBRE

CAFÉ BISTRO CHARLAND

(Rue Charland)

28 OCTOBRE

CAFÉ PIRANDELLO

(Rue Robert)

BARPEACHES

(Boul. Saint-Michel)

17 OCTOBRE

BAR PEACH

(8974 Boul. Langelier)

13 OCTOBRE

CAFÉ BUEN JIORNO

(5055 avenue Couture)

SALLES DE RÉCEPTION CHÂTEAU CLASSIQUE

(6010 des Rivières)

27 SEPTEMBRE

CAFÉ BACCIO

(8760 boulevard Gouin)

22 SEPTEMBRE

BISTRO SOLARIS

(5484 rue Décarie)