«En cas d'alarme de feu, ne faites pas le 911. Mettez sous silence et appelez la compagnie responsable du système d'alarme.»

Cette directive a été récemment affichée à côté du panneau incendie d'un immeuble à logements de l'arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

Pour le citoyen ordinaire, elle peut sembler quelque peu incongrue. Mais pour le syndicat des pompiers de Montréal, il s'agit d'une conséquence directe du nouveau règlement sur les alarmes d'incendie de la Ville de Montréal.

«On l'avait prévu, mais maintenant, on le constate: ce règlement constitue un risque supplémentaire pour les citoyens», a déclaré Perry Bisson, président de l'Association des pompiers de Montréal.

En vigueur depuis le 1er février, le règlement sur les alarmes impose, après un avertissement, des amendes de 100$ à 2700$ aux propriétaires d'immeubles où sont déclenchées des alarmes d'incendie non fondées (causées par un système d'incendie défectueux ou mal entretenu).

La femme du propriétaire de l'immeuble, dont nous tairons l'identité, a affirmé avoir reçu plusieurs amendes en raison d'un problème de contact. «En novembre seulement, nous en avons pour plus de 6000$», a-t-elle déploré.

En attendant de changer son système, elle préférait que le concierge arrête lui-même l'alarme. Il devait ensuite appeler l'entreprise qui en assure l'entretien pour qu'elle vienne vérifier la source du problème.

Un propriétaire contrevient à la réglementation municipale en agissant ainsi, indique Brigitte Daoust, chef aux opérations de Service de sécurité incendie de Montréal (SSIM).

Tous les propriétaires d'immeubles résidentiels de quatre étages ou plus sont tenus d'avoir un système d'alarme. Et ils doivent respecter les procédures d'urgence. «Les propriétaires ne peuvent éteindre eux-mêmes le système; cela nuirait à l'évacuation des locataires, ce qui est la priorité», explique Mme Daoust.

Si le système d'alarme est local, les locataires doivent immédiatement appeler les pompiers. Des directives en ce sens doivent être affichées à l'intérieur du logement. Si l'alarme est reliée à une centrale d'incendie, les préposés de la centrale peuvent faire des vérifications rapides avant de joindre les pompiers.

D'autres cas

Cette histoire n'est pas un cas d'espèce, selon Sophie Gravel, directrice du centre d'appels chez Protectron, une centrale de surveillance établie à Montréal. «Des propriétaires peuvent être assez imaginatifs pour éviter de payer des amendes», constate-t-elle.

Certains clients demandent aux centrales de retarder le plus possible l'appel au 911. Habituellement, pour les immeubles résidentiels, les préposés appellent d'abord sur les lieux pour vérifier la source du problème. S'il n'y a pas de réponse, ils joignent immédiatement les pompiers.

«Des clients nous ont demandé de signaler la pagette du concierge ou encore d'appeler une compagnie de patrouille privée avant les pompiers», relate Sophie Gravel. Protectron refuse ce genre de demandes, mais d'autres centrales acceptent d'appeler une liste de contacts avant les secours.

Depuis février, quelques clients ont également décidé de désactiver leur liaison avec Protectron après avoir reçu des amendes de la Ville de Montréal, indique Sophie Gravel. Les propriétaires d'immeubles construits avant l'an 2000 ne sont pas tenus d'avoir recours à des centrales. Ils bénéficient toutefois de primes d'assurance plus avantageuses s'ils le font.

Baisse des appels

Risqué, le nouveau règlement? Sylvain Carrière, chef aux opérations au SSIM, estime au contraire qu'il augmente la sécurité des citoyens, car il incite les propriétaires à réparer leur système d'alarme défectueux.

«Quand il y a des alarmes à répétition, les locataires ne réagissent plus et c'est là que ça devient dangereux», dit-il. Le nombre de propriétaires montréalais ayant reçu quatre avis d'alarme non fondée a chuté de 600 en 2006 à 290 cette année, souligne M. Carrière.

Le nombre d'appels non fondés est en baisse d'environ 10% cette année. En 2008, le SSIM en avait recensé quelque 16 600. «Ces données démontrent le succès de l'opération, estime Sylvain Carrière. Les gens qui sont tarifés posent des gestes pour réparer leur système et éviter les déplacements inutiles.»

Au début de l'an prochain, le SSIM fera une inspection systématique des immeubles résidentiels. Perry Bisson, du syndicat, appréhende les résultats. «Est-ce qu'ils auront réellement amélioré leur système d'alarme? Ou l'auront-ils plutôt déconnecté de la centrale, ou pire, débranché? Ça reste à voir», conclut-il.