Après une longue valse-hésitation, Ishi Milton Samuels, un des dirigeants d'un redoutable gang de Saint-Henri spécialisé dans la vente de crack, est finalement passé aux aveux, hier, en Cour du Québec. Le juge Gilles Cadieux a fixé le prononcé de la sentence au 14 janvier prochain.

Âgé de 35 ans, Samuels était le bras droit de Roy Haynes Jr, alias Capone, dont la famille a ses assises dans la Petite-Bourgogne depuis au moins 30 ans. Samuels s'est reconnu coupable de sept chefs d'accusation, dont gangstérisme, trafic de drogue et proxénétisme. Il a en quelque sorte «officialisé» le plaidoyer présenté le 3 juillet dernier, mais qu'il voulait faire annuler depuis. Il est détenu depuis le 28 mai 2008.

 

Avec l'aide de Samuels, Roy Haynes Jr s'est bâti un petit empire, souvent par la force, qui contrôlait la vente de crack dans le quadrilatère formé des rues Notre-Dame, Saint-Antoine, Guy et Atwater. Sous le nom d'Outlaw, le gang avait aussi des clients à Lachine, LaSalle, Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce, Dollard-des-Ormeaux, Verdun, ainsi qu'au centre-ville de Montréal. Selon la police, Haynes et sa bande écoulaient quelque 20 kilos de cocaïne par mois sous forme de crack ou autrement.

Au fil de leur enquête, les policiers de Montréal ont filmé secrètement Haynes à quelques reprises en train de fabriquer du crack à l'intérieur d'un immeuble à logements de la rue Jeanne-Mance. À la suite de démarches effectuées par Samuels, les trafiquants ont transféré leurs pénates dans un logis de l'avenue Côte-des-Neiges, le 12 février 2008. De façon à bien comprendre tout ce que faisait Haynes, les enquêteurs ont suivi un cours sur la façon de transformer la cocaïne en cocaïne base (crack).

D'après la police, Samuels accompagnait Haynes quand celui-ci allait acheter de la cocaïne, 1 ou 2 kg à la fois, dans un dépanneur sur le boulevard Milan, à Brossard. Identifié comme Kenneth Lee Yip, 30 ans, le fournisseur a lui aussi été mis hors circuit lors de la rafle du 28 mai 2008. Il a depuis été condamné à 52 mois de pénitencier, en sus de ses 13 mois de détention préventive.

En tout, 38 personnes ont été mises en accusation. Il s'agit pour la plupart de petits chefs, de vendeurs et de clients de l'organisation. Il y a aussi trois autres Haynes, le père, Roy Alvin, 63 ans, un autre fils, Tyler, 24 ans, et une fille, Tara, 32 ans. Dans les trois cas, il s'agit d'accusations liées au cannabis. Le dossier revient devant le tribunal en mai.

Pendant les 18 mois qu'a duré l'enquête, les policiers ont effectué pas moins de 245 opérations de filature et enregistré plus de 92 000 conversations. Outre les caméras et les micros placés à des endroits stratégiques, ils ont eu recours à une quarantaine d'informateurs. Des agents doubles ont aussi effectué une centaine de transactions avec les différents acteurs des Outlaw. Le «niveau d'organisation» du groupe s'apparente à celui du gang de la rue Pelletier, démantelé en 2005 à Montréal-Nord, a déjà dit un policier. En février 2007, son chef, Bernard «Ti-Pon» Mathieu a été condamné à 10 ans de pénitencier.