C'est dans une ambiance tendue, dans une salle d'audience où l'on entendait des pleurs étouffés et des reniflements, que Kirk Campeau et Mitchell Paré, tous deux âgés de 20 ans, ont plaidé coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire, hier matin au palais de justice de Montréal.

La victime, Jordan Apponi-Enlow, 19 ans, a été battue à mort sur le boulevard Saint-Laurent, dans la nuit du 26 juin 2008. Le pathologiste a établi qu'il avait reçu huit coups à la tête et au haut du corps. Il avait l'empreinte d'une chaussure de Campeau étampée dans le visage. Il avait aussi un bras cassé. Il est mort étouffé dans son sang. «We just killed that guy», a dit l'un des agresseurs en quittant la scène, cette nuit-là. C'est du moins ce que deux témoins ont entendu, sans toutefois pouvoir préciser qui avait prononcé ces paroles.

Après avoir enregistré leur plaidoyer, les deux accusés ont présenté leurs excuses à la famille et aux amis de la victime. Ils ont dit regretter amèrement leur geste. Un peu plus tôt, Claudette Payette et Marie-Josanne Enlow, respectivement grand-mère et mère de la victime, ont expliqué au juge l'impact que cette mort brutale a eu sur elles et leur entourage.

Une broutille...

Comme bien des drames, celui-là a commencé pour une broutille. C'était la nuit suivant les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. Les deux accusés et la victime ne se connaissaient pas mais chacun avait bu considérablement, chacun de son côté. Apponi-Enlow était particulièrement ivre. Vers les 3 h, cette nuit-là, en marchant sur le boulevard Saint-Laurent, il criait et faisait du tapage, sans toutefois être agressif. Il a croisé les accusés. Plus tard, vers les 4 h 30, les accusés et la victime se sont revus, près du métro Saint-Laurent.

Des insultes ont été lancées de part et d'autre, selon le récit que le procureur de la Couronne Louis Bouthillier a livré devant le juge Jerry Zigman. Rapidement, Campeau et Paré ont agressé Apponi-Enlow et l'ont battu à coups de pied et de poing.

Un chauffeur de taxi et un autre témoin ont vu la scène, mais ne sont pas intervenus pour stopper la bagarre, qui a été très courte. Au bout d'environ deux minutes, Campeau, Mitchell et un troisième homme qui se trouvait avec eux sont partis vers l'ouest.

Sans raison, ils ont attaqué un autre homme qui marchait tranquillement dans la rue. «J'ai reçu un coup de poing à la tête et deux coups à la jambe d'un sac rempli de morceaux de vitre», a raconté ce jeune homme à La Presse. C'est cet homme d'une trentaine d'années qui a permis l'arrestation rapide des accusés. Il a alerté la police et a décrit les agresseurs. «C'était facile, Campeau était habillé d'un grand chandail et d'une casquette bleu éclatant», a-t-il dit.

Tachés de sang

Campeau, Paré et le troisième homme (contre qui aucune accusation n'a été portée) ont été arrêtés dans les heures suivantes alors qu'ils se trouvaient au métro Lionel-Groulx. Les vêtements des deux accusés étaient tachés du sang d'Apponi-Enlow. Le troisième homme avait des cartes d'identité appartenant à la victime ; il aurait été témoin à charge s'il y avait eu procès.

Accusés au départ de meurtre au deuxième degré, l'accusation a été réduite à celle d'homicide involontaire en échange d'un plaidoyer de culpabilité.

«Les deux accusés sont très jeunes et il y a possibilité de réhabilitation; il n'y avait pas de planification, et il n'y avait pas d'arme autre que les poings et les souliers», a notamment fait valoir le procureur de la Couronne.

Me Bouthillier et les avocats de la défense, Patrick Davis et Tom Pentefountas, ont fait une suggestion commune de 10 ans de prison, qui a été entérinée par le juge Zigman. En tenant compte de la détention préventive, c'est une peine de sept ans et deux mois que les deux accusés doivent purger depuis vendredi.