L'affaire commence à ressembler au jour de la marmotte, avec une nouvelle attaque au cocktail Molotov survenue ce matin dans un café italien du nord-est de Montréal, le treizième en deux mois.

Les incendiaires continuent à narguer les autorités en accrochant cet autre trophée à leur tableau de chasse. Cette fois, c'est au tour du Café bistro Larosa de la rue Fleury, dans le quartier Montréal-nord, d'être dans leur mire.

Un cocktail Molotov a une fois de plus été balancé en pleine nuit contre la vitrine du café, mais n'a pas traversé la vitre. Rencontrée en après-midi derrière le comptoir de son établissement, la propriétaire Nina Larosa déplorait cette mauvaise publicité, deux mois après l'ouverture de son établissement. C'est elle qui a alerté les policiers après avoir aperçu une bouteille de bière remplie de combustible et un morceau de pavé uni sur la terrasse du restaurant en arrivant au travail ce matin. La vitrine de son café aurait tenu le coup puisqu'elle est recouverte d'une pellicule protectrice de mica.

«C'est plus un restaurant qu'un café italien ici. On n'a pas d'appareil loterie vidéo, les gens viennent manger. On n'a jamais reçu de menace ou de membres de gangs de rue. On est clean clean», soupire Mme Larosa.

Le Café bistro Larosa est le troisième établissement vandalisé depuis le début de la semaine. Des engins incendiaires artisanaux ont été lancés contre les vitrines des cafés Ferrari mardi et Vegas lundi.

Même si les dégâts sont minimes à chaque fois, le symbole de ces attaques commence à peser lourd et place les autorités sur un pied d'alerte.

Des patrouilles policières «de prévention» visant à protéger les commerces susceptibles d'allonger la liste des victimes d'attentats ont récemment été mises sur pied. «Au niveau des effectifs, j'ai sensibilisé les commandants des postes de quartier (PDQ) affectés par les attentats», a assuré en début de semaine le commandant Robert Quévillon, de la direction des crimes économiques et de la propriété, citant le PDQ du quartier Saint-Michel, qui abrite une trentaine de cafés italiens. M. Quévillon invite également la population à rapporter toute activité suspecte reliée à cette affaire.

Les mobiles de ces attaques demeurent inconnus et l'enquête est compliquée parce que les victimes collaborent peu.

Les nombreux employés et propriétaires des cafés - ciblés ou non - interrogés par La Presse au cours des dernières semaines se sont d'ailleurs montrés peu loquaces. Tous soutiennent n'avoir fait l'objet d'aucune menace et tenir des endroits propres, sans lien avec le crime organisé.

Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette vague d'attaques. À commencer par le symptôme d'un «fractionnement» de la pègre montréalaise. Des gangs de rue et des petits revendeurs indépendants tenteraient de profiter de la désorganisation des Hells Angels et de la mafia, dont les assises sont ébranlées par plusieurs rafles policières, pour se tailler une place dans le trafic de drogue.

Une autre hypothèse évoque des tensions entre des membres de clans italiens. Les incendies pourraient d'ailleurs avoir été allumés par des membres de gangs de rue à la solde d'un clan italien. Cette diversion viserait à intimider les tenanciers de cafés italiens, dans l'espoir de profiter du jeu de chaise musicale observé ces derniers mois dans le milieu interlope, afin d'instaurer de nouveaux points de vente de stupéfiants.

Enfin, l'assassinat en janvier dernier d'un trafiquant de drogue, Sam Faluso, qui contrôlait vraisemblablement plusieurs cafés italiens pourrait aussi expliquer les attentats du dernier mois. Les incendies pourraient ainsi s'inscrire dans une offensive visant à mettre la main sur le territoire du trafiquant.

Du côté du Service de police de la ville de Montréal, toutes les hypothèses énumérées plus haut sont envisagées et l'enquête se poursuit, menée par la Section des incendies criminels.