Les riverains du parc linéaire du Petit Train du Nord qui ont subi le passage quotidien de centaines de motoneiges à moins de 100 m de leur maison peuvent enfin réclamer les indemnités découlant du jugement prononcé en leur faveur il y a cinq ans par la Cour supérieure du Québec.

Un avis public diffusé hier dans un quotidien de la métropole invite les riverains du parc à réclamer les indemnités, ouvrant le dernier acte de ce long feuilleton politique et judiciaire de 12 ans.

 

Le président et cofondateur de la Coalition pour la protection de l'environnement du parc linéaire du Petit Train du Nord, Normand Lacroix, a expliqué hier que l'organisme ouvrira un bureau au presbytère du village de Mont-Tremblant. On y accueillera les demandes et fournira de l'information sur la procédure à suivre. Le bureau restera ouvert jusqu'à l'expiration du délai de réclamation, dans un an, le 18 novembre 2010.

«On veut aider les gens à remplir tout ça, dit M. Lacroix. Le formulaire fait 14 pages. Ça prend des documents. Mais pour ceux qui ont enduré cela pendant sept ans, ça vaut la peine. Une famille de cinq, ça fait cinq réclamations. Ça peut commencer à faire une jolie somme.»

Environ 1200 personnes pourraient avoir droit à des indemnités pouvant varier de 2000$ à plus de 14 000$ chacune, estime M. Lacroix.

Le parc linéaire du Petit Train du Nord est aménagé sur l'emprise de l'ancien chemin de fer, qui traverse toutes les Laurentides, de Saint-Jérôme à Mont-Laurier. Au début des années 90, le gouvernement du Québec en a fait l'acquisition et en a confié la gestion à la MRC des Laurentides.

En été, seuls les piétons et les cyclistes ont droit d'y circuler. En hiver, au début, seuls les adeptes du ski de fond y étaient admis.

Mais à partir de l'hiver 1997-1998, la MRC des Laurentides a décidé d'autoriser les motoneiges à y circuler. Cette large piste bien droite, dégagée, assez peu surveillée mais très bien entretenue est vite devenue un sentier interrégional. Des centaines de motoneigistes y filaient à grande vitesse, jour et nuit. Le bruit et les émanations d'essence ont rendu la vie impossible aux personnes qui vivaient à proximité. Elles s'en sont plaintes. On ne les a pas écoutées.

«Si on avait respecté les gens à cette époque-là, rien de tout cela ne serait arrivé», dit aujourd'hui Normand Lacroix.

Le 30 novembre 2004, la juge Hélène Langlois, de la Cour supérieure du Québec, a ordonné la fermeture du sentier aux motoneiges sur une distance de 38 km entre Saint-Faustin-Lac-Carré et Labelle.

La juge a aussi condamné le gouvernement du Québec et la MRC des Laurentides à verser 1200$ par année à chaque personne vivant à moins de 100 m du parc linéaire sur ce tronçon, en compensation des inconvénients subis pendant les sept hivers où la circulation des motoneiges y a été autorisée, entre 1997 et 2004.

Après avoir fait appel de cette décision, Québec et la MRC se sont finalement désistés l'été dernier, rendant le jugement Langlois exécutoire.

«Nous vivons dans un état de droit au Québec, et il peut arriver que la seule façon de faire valoir nos droits soit d'aller devant la Cour. Je ne regrette pas le combat qu'on a mené, dit M. Lacroix. C'est dur. C'est long. Il faut être tenace. Mais on n'a pas le droit de nier les droits des citoyens.»

 

Chronologie

12 janvier 1989

La MRC Les Laurentides décide de transformer la voie ferrée entre Saint-Jérôme et Mont-Laurier en parc linéaire.

Juin 1990

Un projet de plan directeur proposant de réserver l'emprise au ski de fond, au sud, et à la motoneige, au nord, est déposé à la MRC. Juin 1994 Québec achète l'emprise ferroviaire au Canadien Pacifique

5 juillet 1994

Signature d'un bail de 60 ans entre Québec et la MRC Les Laurentides.

9 septembre 1994

La MRC amende son schéma d'aménagement pour permettre la tenue de plusieurs activités récréatives, dont la motoneige.

15 novembre 1995

Le Règlement provincial est amendé pour permettre la circulation des motoneiges sur une ancienne emprise ferroviaire. La Loi sur les véhicules hors route sera aussi modifiée, un mois plus tard.

30 janvier 1997

La MRC adopte le règlement permettant la circulation des motoneiges dans le parc linéaire, du 1er décembre au 14 avril.

7 novembre 1997

Le parc est ouvert aux motoneigistes. Formation de la Coalition pour la protection de l'environnement du parc linéaire Petit Train du Nord. Hiver 2000 Les premiers relevés font état de 523 à 874 motoneiges, le samedi, de 427 à 567 véhicules, le dimanche, et de 90 à 260 passages, les jours de semaine.

Janvier 2002

La Cour autorise la demande en recours collectif de la Coalition, assortie d'une demande en injonction pour fermer la piste.

30 novembre 2004

La juge Hélène Langlois ordonne la fermeture immédiate du parc linéaire aux motoneiges, et le versement d'indemnités aux riverains vivant à 100 mètres ou moins du parc, par la MRC Les Laurentides et le gouvernement du Québec.

21 décembre 2004

Québec adopte d'urgence une loi spéciale interdisant aux riverains des sentiers de motoneiges toute possibilité de poursuite relative aux inconvénients causés. Cette loi est toujours en vigueur.

30 décembre 2004

Québec et la MRC font appel du jugement.

2 juillet 2009

La demande en appel du jugement Langlois est abandonnée. Québec prendra charge de la facture pour la MRC.