Un criminel qui a toujours travaillé dans l'ombre des grands gangsters québécois, Claude «Beaver» Lapointe a surtout fait parler de lui à la fin des années 70, lors de la Commission d'enquête sur le crime organisé (CECO). Identifié comme «le chauffeur du gang des frères Matticks», il a été mis en cause dans une série de vols de camions-remorques et de cargaisons de marchandises perpétrés dans des entrepôts de Montréal et de la région.

Au cours de cette enquête publique hors du commun, Lapointe, qui se disait aide-briqueteur, a été condamné à 10 mois de prison pour son refus de témoigner. À l'issue des audiences, avec trois des Matticks et deux autres membres du clan, il a dû répondre à une quinzaine d'accusations criminelles. Le tribunal n'ayant pas cru le délateur appelé à la barre, ils ont tous été acquittés au terme d'une longue saga judiciaire.

 

À la même époque, Lapointe a été arrêté aux États-Unis «pour avoir transporté des armes au-delà de la frontière», a-t-on mentionné devant la CECO. À l'instar de bien des gangsters du temps, Lapointe s'est «recyclé» dans la contrebande de drogue. En 1982, comme l'atteste son casier judiciaire, il a été condamné à 60 jours de prison discontinue. À quelques reprises par la suite, à Saint-Jérôme et à Mont-Laurier, il a dû payer plusieurs amendes comme trafiquant de marijuana et de haschisch. Ses derniers démêlés avec la justice pour de telles infractions remontent au début des années 2000.

Imitant son bon ami Adrien Dubois, de la célèbre famille de Saint-Henri, libéré en 1985 dans une histoire d'importation de 1000 livres de haschisch, Lapointe a migré dans les Laurentides il y a une vingtaine d'années. Tous deux très riches, ils ont d'importants investissements dans des entreprises légitimes.

Le nom de Lapointe est par ailleurs revenu dans la toute récente enquête Diligence qui a mis au jour les activités dans l'industrie de la construction de l'influent Hells Angel Normand Marvin «Casper» Ouimet. Recherché depuis plusieurs mois, le leader du chapitre de Trois-Rivières s'est fait bloquer près de 10 millions de biens présumément acquis avec de l'argent sale. Du lot, on trouve de vastes terrains dans les régions de Labelle et de L'Annonciation, fiefs de Claude Lapointe.

Comme les deux hommes entretiennent d'excellentes relations depuis déjà quelques années, les enquêteurs de la Sûreté du Québec estiment que le caïd de 61 ans a vraisemblablement été de bon conseil dans le choix du chef motard d'investir massivement dans ces deux paisibles municipalités des Hautes-Laurentides. Selon les policiers, Ouimet et ses comparses prévoyaient construire des chalets en bordure d'un lac de Labelle, où il a acheté «de trois à quatre millions de pieds carrés» de terrains.

Pour sa part, Lapointe habite une luxueuse résidence du chemin Saint-Cyr, à Labelle. Juchée au haut d'une petite colline, elle surplombe une maison en location et deux grands bâtiments d'entreposage qui lui appartiennent. Quant à sa femme, qui ne vit plus avec lui, elle a gardé le somptueux domaine acquis il y a plusieurs années en bordure du lac Labelle, évalué à plus de 1 million.