L'ancien chef de la police régionale de Deux-Montagnes avait informé un haut fonctionnaire qu'il avait chez lui des appareils électroniques et des outils appartenant à la Ville. «Pour l'instant, garde-les. On réglera ça quand le climat sera plus propice», aurait même dit le directeur adjoint, Stéphane Plante, alors que Normand Mastromatteo était suspendu de ses fonctions, en janvier 2005.

Alors qu'il témoignait en défense, M. Plante, qui travaille maintenant à la Ville de Montréal, a lancé un véritable pavé dans la mare de la Couronne, en ajoutant qu'il savait que le directeur Mastromatteo était en possession d'un téléviseur, d'une minichaîne stéréo, d'une caméra, d'un GPS, d'une scie et d'un pulvérisateur de produits nettoyants achetés avec l'argent des contribuables.

 

À une exception près, soit un ordinateur trouvé au domicile de l'ex-femme du chef de police, ce sont là les articles qui figurent sur la liste des 13 chefs d'accusation pour lesquels M. Mastromatteo est jugé depuis déjà quelques semaines en Cour du Québec, à Saint-Jérôme. Il est aussi accusé d'avoir volé 1500$ dans un coffre-fort de la police, de même qu'une somme de 13 550$ qu'il devait remettre à des informateurs ayant collaboré au démantèlement de serres hydroponiques, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, en 2002.

Manifestement étonné du témoignage de l'ancien haut placé de la Ville de Deux-Montagnes, le procureur de la poursuite, Me Jacques Dagenais, lui a lancé sans détour: «Depuis un mois, avez-vous discuté de votre témoignage avec M. Mastromatteo ou son entourage?» en exhibant une transcription de ce qu'il avait dit à l'enquête préliminaire, il y a deux ans. «À ce moment, votre mémoire devait être plus fraîche, et vous parliez seulement d'un téléviseur et d'un GPS», a noté l'avocat.

Durant tout le contre-interrogatoire, Me Dagenais a également beaucoup insisté sur les liens étroits que semblait entretenir le témoin avec le directeur Mastromatteo, au temps où ils travaillaient tous les deux à Deux-Montagnes. En plus de se voir pour le travail deux ou trois fois par semaine à l'hôtel de ville, les deux hommes dînaient ensemble régulièrement. L'ancien directeur adjoint n'a pas caché non plus avoir continué à rencontrer M. Mastromatteo après sa suspension.

«C'était pour savoir comment il allait. Oui, il était suspendu, mais on ne savait pas encore comment ça finirait, toute cette histoire», a-t-il dit, en faisant allusion à la dispute interne et aux problèmes d'absentéisme de M. Mastromatteo. «Puisque vous le rencontriez, pourquoi ne pas lui avoir demandé de rapporter les équipements de la Ville qu'il avait chez lui, ou encore aller les chercher?» a renchéri Me Dagenais.

«C'est moi qui lui ai annoncé sa suspension au téléphone. Il était tellement pas content que je n'ai pas osé mettre de l'huile sur le feu. De toute façon, on savait qu'il n'irait pas vendre ça dans un marché aux puces», a expliqué Stéphane Plante. Il n'a jamais rédigé de rapport à propos des articles de la Ville que M. Mastromatteo gardait chez lui, mais «je pense en avoir parlé au directeur Paul Allard, mais je ne suis pas sûr», a-t-il dit en réponse aux pressantes questions du procureur de la poursuite.

Au moment de l'ajournement, M. Mastromatteo était à la barre. Après avoir parlé de ses états de service à la police de Montréal, et déposé trois «cahiers spirales» de tout ce qu'il avait pris en note durant ses trois ans à la tête de la police de Deux-Montagnes, il a demandé le huis clos afin de parler au juge Jean Sirois des informateurs de police.