Au procès de l'ancien chef de police de Deux-Montagnes, Normand Mastromatteo, la défense a mis en doute, hier, la légalité des mandats de perquisition ayant mené au démantèlement d'une quinzaine de serres hydroponiques à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, en janvier 2002.

Exhibant un à un les nombreux documents juridiques liés à ces perquisitions, Me Claude Olivier a relevé de nombreuses «inexactitudes, sinon des faussetés» sur la provenance des informations policières qui ont donné lieu à cette série de raids sans précédent au Québec. «À l'époque, nous n'avions aucune expérience en plantations de marijuana ni sur la manière de procéder», a reconnu le sergent Denis Racicot, qui a supervisé le travail des policiers qui ont procédé aux perquisitions.

C'est ainsi, à en croire le contre-interrogatoire du jeune policier de Deux-Montagnes, que ses collègues et lui ont manqué de rigueur dans la rédaction des motifs qui leur ont permis d'obtenir les mandats pour entrer dans les maisons transformées en serres de cannabis. En général, ils invoquaient que l'enquête avait pris forme «sur la foi d'informations provenant d'une source anonyme qui a fait ses preuves dans le passé», alors qu'il s'agissait dans certains cas de tuyaux d'Hydro-Québec ou de simples citoyens.

Il faut dire, selon le sergent Racicot, que c'est le chef Normand Mastromatteo lui-même qui leur avait en quelque sorte suggéré la voie à suivre en les incitant à ne pas dévoiler que certaines informations venaient de lui afin de protéger son informateur. «Il savait qu'il y avait une dizaine de serres hydroponiques dans le domaine Mon Rêve», a-t-il dit devant le tribunal.

Selon le sergent Racicot, deux ou trois adresses de la rue de L'Aubée données par l'indic du directeur se sont avérées exactes. Trois autres plantations ont été démantelées grâce un informateur de la Sûreté du Québec, tandis que les autres ont été mises au jour avec l'aide de citoyens - le «bouche à oreille», selon son expression - et de techniciens d'Hydro-Québec appelés en renfort. «À la suite de la première perquisition, ça été tellement vite, c'était la folie furieuse», a-t-il dit, en rappelant avoir procédé avec une poignée de policiers à neuf perquisitions en une seule journée.

«Tout s'est joué en quatre jours. C'est sur la table de cuisine d'une maison perquisitionnée que M. Mastromatteo a trouvé le nom de l'enquête : opération Balayage», a-t-il ajouté, pour montrer comment les policiers ont été débordés. C'est également ce qui pourrait expliquer, selon lui, que tout un chacun ait mal rédigé les mandats de perquisition sans valider toutes les informations requises en pareil cas.

«J'ai jamais vu ça : 80 % des mandats étaient basés sur des informations fausses», a dénoncé Me Olivier.

«Je peux vous dire une chose, tout le monde était de bonne foi», a répliqué le sergent Racicot, manifestement mal à l'aise. «À l'époque, j'étais sergent de patrouille et je n'avais aucune expérience des enquêtes. Quand le directeur m'a donné l'information au début, mon job était simplement de la valider», a-t-il expliqué, soucieux de bien faire comprendre qu'il n'a fait que répondre à un souhait du directeur Mastromatteo quand il a écrit que les premières informations venaient d'une source anonyme.

Jusqu'ici, personne n'avait critiqué la légalité de l'opération Balayage, puisque les accusés ont plaidé coupable dès leur comparution en Cour, en janvier 2002.

Le chef Mastromatteo a son procès pour fraude et abus de confiance. On lui reproche notamment d'avoir détourné à son profit une somme de 11 000 $ destinée à payer son informateur. Il a été démontré que celui-ci n'avait pas reçu un cent. Le ministère public devrait clore sa preuve aujourd'hui. La défense appellera ensuite ses témoins.