Le système judiciaire canadien s'est aventuré en terrain inconnu mardi, alors que des avocats ont débattu de la peine à prononcer contre la première personne reconnue coupable de crimes de guerre au pays.

La Couronne réclame la prison à vie pour Désiré Munyaneza, reconnu coupable de sept crimes de guerre au Rwanda pour sa participation dans le génocide de 1994.

Mardi, la procureure Pascale Ledoux a fait valoir que Munyaneza, âgé de 42 ans, méritait la plus sévère peine possible pour avoir violé des dizaines de femmes, participé au massacre de centaines des personnes dans une église et battu, à l'aide de bâtons, des enfants qui étaient attachés dans des sacs.

Des spécialistes en droit affirment que cette cause pourrait établir un précédent non seulement au Canada, mais aussi dans des pays devant composer avec des cas semblables de criminels de guerre qui tentent de trouver refuge à l'intérieur de leurs frontières.

Munyaneza a été arrêté en 2005 par la Gendarmerie royale du Canada dans sa résidence, dans la région de Toronto.

En mai, il a été reconnu coupable de sept chefs d'accusation pour génocide, crimes de guerres et crimes contre l'humanité pour son rôle dans des massacres et des viols commis près de Butare, au Rwanda, entre avril et juillet 1994.

Le juge André Denis, de la Cour supérieure du Québec, devrait prononcer la sentence le 29 octobre.

«A la lumière des horribles circonstances dans cette cause, la seule conclusion logique est la peine maximale», a affirmé Me Ledoux.

Munyaneza est la première personne à être condamnée, au Canada, en vertu de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, adoptée en 2000.

L'homme encourrait déjà l'emprisonnement à perpétuité, mais étant donné l'absence de jurisprudence concernant les crimes de guerre, les avocats ont débattu de l'admissibilité de Munyaneza à la libération conditionnelle.

Des observateurs, tant canadiens qu'étrangers, suivent de près ce procès qui servira d'exemple pour d'autres pays aux prises avec des causes semblables.

«Cela fait partie d'un système international en devenir qui dit d'utiliser les grands tribunaux internationaux pour les mégaprocès impliquant des chefs importants, mais de recourir aux tribunaux nationaux pour s'assurer que les nombreux auteurs de crimes ayant fui à l'étranger après les incidents ne vivent pas impunément», a affirmé Bruce Broomhall, professeur en droit pénal international à l'Université du Québec à Montréal.

De son côté, la défense a interjeté appel du verdict de culpabilité, mais une audience en Cour d'appel du Québec ne devrait pas avoir lieu avant l'automne 2010.

Mardi, à sa sortie du tribunal, l'avocat de Munyaneza, Richard Perras, a dit avoir bon espoir de voir le juge réduire à environ 20 ans l'admissibilité à la libération conditionnelle de son client et peut-être retrancher quelques années à la peine d'emprisonnement à vie.

L'avocat a toutefois ajouté que son client se déclarait toujours innocent.

«Nous allons en appel, nous avons plaidé non coupable, et rien n'a changé.»