Les policiers de Montréal impliqués dans la mort du jeune Fredy Villanueva n'ont pas été interrogés par la Sûreté du Québec. Les jeunes témoins de l'intervention policière, eux, l'ont été. C'est un «fait brutal», et non un «reproche» adressé à qui que ce soit, selon le coroner ad hoc Robert Sansfaçon, responsable de l'enquête publique.

C'est pourquoi, par souci de «transparence et d'équité», le coroner a décidé de changer l'ordre de comparution des témoins. Il fera d'abord témoigner les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, a-t-il décidé, hier, au moment d'une audience préliminaire à l'enquête au palais de justice de Montréal.Il s'agit d'une petite victoire pour le clan Villanueva, car le coroner Sansfaçon accède ainsi à la requête présentée par Me Alain Arsenault, représentant des procureurs de la famille Villanueva et des cinq jeunes témoins du drame.

Toutefois, le coroner Sansfaçon s'est gardé une porte ouverte en précisant que sa décision est «intérimaire». Il la confirmera à la reprise de l'enquête, le 26 octobre, à la fin du témoignage de l'enquêteur de la Sûreté du Québec Bruno Duchesne, interrompu au moment de la suspension de l'enquête, en mai dernier. Cet enquêteur pourrait alors expliquer pourquoi la SQ s'est contentée de déclarations écrites des deux agents.

Les deux jeunes blessés par balle au cours de l'intervention policière dans un parc de Montréal-Nord le 9 août 2008, Denis Méas et Jeffrey Sagor Metellus, ont été interrogés dans les heures suivant leur admission à l'hôpital, a fait valoir Me Arsenault. Metellus était encore sous sédatif, a-t-il ajouté. La policière Stéphanie Pilotte, elle, a remis une déclaration écrite aux enquêteurs de la Sûreté du Québec, le 15 août. Son collègue, Jean-Loup Lapointe, a remis sa déclaration un mois après l'événement, le 9 septembre.

«Il y a des détails qu'on n'a pas (dans ces déclarations écrites) qu'il aurait été intéressant d'avoir», a approuvé le coroner Sansfaçon.

De leur côté, les procureurs des policiers, de la Ville de Montréal, de la Fraternité des policiers et du Directeur des poursuites criminelles et pénales se sont vivement opposés à la modification de l'ordre de comparution des témoins. Selon eux, dans la «chronologie des événements», il est préférable d'entendre d'abord les jeunes témoins. «Avant de savoir pourquoi les policiers sont intervenus, il faut savoir s'il y avait quelqu'un dans le parc. Et que faisaient les jeunes dans le parc? Priaient-ils la Vierge Marie ou faisaient-ils autre chose?» a plaidé Me Pierre-Yves Boisvert, avocat de la Ville de Montréal.

Me Pierre Dupras, avocat de l'agent Jean-Loup Lapointe, a quant à lui dénoncé le caractère «stratégique» de la requête des procureurs de la famille Villanueva. Cette demande leur sert selon lui à étayer leur thèse de profilage racial. Le coroner Sansfaçon a voulu rassurer les avocats des policiers: même si les agents témoignent en premier, ils pourront revenir à la barre s'ils le désirent après le témoignage des jeunes.

Par ailleurs, le coroner Sansfaçon a jugé inacceptable l'attitude de l'avocat de la Ville de Montréal, Me Pierre-Yves Boisvert, quant au calendrier des audiences. Il venait d'avertir la quinzaine d'avocats au dossier des difficultés qu'il éprouvait à concilier les horaires de chacun, si bien que l'enquête pourrait s'étirer jusqu'en mars 2010.

Les trois avocats de la Ville ont fourni une seule journée de disponibilité en novembre.

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UN TÉMOIN PLAIDE NON COUPABLE

L'un des témoins-clés de la mort de Fredy Villanueva, Jonathan Senatus, qui avait plaidé coupable à une accusation de possession d'arme prohibée, a décidé de plaider non coupable. Cette arme avait été trouvée dans son logement de Montréal-Nord deux mois après la mort du jeune Villanueva. Son avocat, Me Jacky Salvant, devait plaider une requête en ce sens hier, au palais de justice de Montréal. Or, il a demandé plus de temps pour se préparer puisqu'il représente aussi Senatus à l'enquête publique du coroner. Selon Me Salvant, son client n'a pas reconnu sa culpabilité de façon libre et volontaire. «Quand mon client a réalisé que l'arme était dans son appartement, il a appelé le propriétaire de l'arme pour qu'il vienne la chercher. Entre-temps, la police est arrivée. Je vais assigner le vrai propriétaire de l'arme», a indiqué Me Salvant à la juge Louise Villemure. De son côté, la Couronne estime que cette requête est non fondée. La cause se poursuit le 24 novembre.