Dans ses efforts pour récupérer un peu de l'argent malhonnêtement gagné par Jean Lafleur dans le cadre des contrats de commandites, le procureur général du Canada poursuit l'avocat Richard Saint-Julien à hauteur de 460 000$. Cette somme, qui appartenait à Lafleur, l'avocat l'a investie dans sa propre entreprise au Belize.

Me Saint-Julien, qui est maintenant établi au Costa Rica, est aussi sommé de rendre compte de ce qu'il a fait avec le reste du million et demi de dollars que Lafleur dit lui avoir confié après la vente de sa luxueuse propriété de Sutton, en 2005. Jusqu'ici, le gouvernement du Canada n'a réussi à récupérer que 248 512,30 des 7,2 millions qu'il réclame à l'ex-publicitaire. Lafleur, un des acteurs clés du scandale des commandites, se dit sans le sou et incapable de payer ses dettes. Il a déclaré faillite en juillet 2008.

 

Lors de l'assemblée des créanciers, l'année dernière, Lafleur a soutenu avoir confié 1,5 million de dollars à Me Saint-Julien lorsque celui-ci était à Montréal. L'avocat, qu'il ne connaissait pas et qui lui avait été présenté par un autre avocat, aurait investi environ le tiers de la somme au Liechtenstein, une autre partie dans les Caraïbes et 460 000$ dans la compagnie Parameter, avec l'accord de Lafleur. L'investissement devait servir à l'établissement d'un projet d'hôtel-casino à Belize. Mais le projet ne s'est pas concrétisé et Parameter, dont Me Saint-Julien est l'actionnaire et l'administrateur, est devenue insolvable. Selon Lafleur, Me Saint-Julien se serait en outre versé des sommes substantielles pour ses services avec la procuration qu'il détenait pour des comptes bancaires.

Les représentants du gouvernement canadien voudraient en savoir plus sur le rôle qu'a joué Me Saint-Julien dans l'administration de l'argent de Lafleur, mais l'avocat se défile. Il n'a pas donné suite à une demande d'entrevue par vidéoconférence, et il n'a pas l'intention de revenir au Canada dans un proche avenir, selon un avocat qui le représente. C'est du moins ce que l'on peut lire dans les documents remis au palais de justice de Montréal. Le procureur général du Canada reproche à Me Saint-Julien de s'être placé en conflit d'intérêts. Il devait agir avec prudence et diligence dans les placements, souligne le document.

Fraude dans la faillite?

Après la fraude dans les commandites, y aurait-il eu fraude dans la faillite? Me Sylvain Lussier, qui représente le procureur général dans cette affaire, reconnaît qu'il y a des éléments qui le laissent supposer. Une chose est sûre: il y aura opposition à la libération de faillite de Lafleur, assure Me Lussier. Selon lui, aux dernières nouvelles, Lafleur, qui a maintenant 68 ans, était toujours «plongeur ou éplucheur de carottes», chez Alexandre, rue Peel. Lafleur dit gagner 10$ l'heure.

Rappelons que Lafleur, à la tête de son agence Lafleur communications marketing, a reçu 65 millions de dollars en contrats de commandites entre 1994 et 2000. Lors de son passage devant la commission Gomery, il s'est illustré par ses trous de mémoire. Dès après les audiences de la commission, il a vendu ce qu'il lui restait de biens, notamment sa maison dans les Cantons-de-l'Est et sa cave à vins digne d'un château, et il s'est établi au Costa Rica, puis au Belize. Il est revenu en 2007, après que des accusations de fraude eurent été portées contre lui. Il a plaidé coupable à 28 d'entre elles et a été condamné à 42 mois de prison. Il a obtenu une semi-libération au sixième de sa peine, soit après avoir purgé environ sept mois de prison.