Les pressions se font plus fortes pour la création d'un organisme indépendant d'enquête sur la police. Dans une rencontre prévue d'ici peu, la Commission de la sécurité publique de Montréal et le ministère de la Sécurité publique examineront ensemble cette question, a appris La Presse.

L'automne dernier, la Commission avait entamé une réflexion à cause de l'apparence de partialité et du manque de transparence de la formule actuelle. La réflexion de cet organisme, à qui le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est tenu de rendre des comptes, s'ajoute à celles de nombreux acteurs influents des domaines politique et juridique depuis un an.

 

En mai dernier, le maire de Québec, Régis Labeaume, avait déclaré: «Aucun corps policier ne devrait enquêter sur les comportements d'un autre corps policier.» «Ça altère sérieusement la confiance du public, avait-il déclaré au Soleil. Ça donne au système une mauvaise réputation.» M. Labeaume a demandé au gouvernement Charest la création d'une agence d'enquête indépendante.

En Ontario, l'Unité des enquêtes spéciales (UES) a été créée en 1990 à la suite d'une réflexion sur la police et la question raciale. Elle compte une quarantaine d'enquêteurs (dont la moitié sont d'anciens policiers) chargés d'étudier les circonstances de décès ou de blessures graves survenus lors d'opérations policières.

Au Québec, le Commissaire à la déontologie policière reçoit les plaintes des citoyens, fait enquête et, s'il y a lieu, s'adresse au Comité de déontologie policière pour poursuivre les policiers. Mais lorsqu'il y a mort d'homme impliquant un policier, une «politique ministérielle» veut qu'une enquête soit menée par un autre corps policier que celui mêlé à l'incident. Dans l'affaire Villanueva, qui mettait en cause deux policiers du SPVM, c'est la Sûreté du Québec (SQ) qui a enquêté.

Pas de système parfait

Le système québécois n'est pas pire que les autres au pays, note l'ancien commissaire à la déontologie policière, Paul Monty. «Dans les autres provinces, où la Gendarmerie royale du Canada est très présente, elle enquête sur ses propres policiers.»

Et le système ontarien n'est pas parfait non plus. Dans un rapport lapidaire publié en septembre dernier, l'ombudsman de l'Ontario, André Marin, a vivement critiqué le fonctionnement de l'UES. «Faible», «craintif», «trop près de la police», l'organisme n'est pas pris au sérieux par les policiers, a constaté M. Marin, lui-même ancien directeur de l'UES. «Lorsqu'une mort survient, la police doit contacter sur-le-champ l'UES. Or, elle ne le fait presque jamais», avait-il dénoncé dans une entrevue au Droit d'Ottawa.

Dans l'affaire Villanueva, la SQ n'a jamais interrogé les policiers mêlés à l'incident. L'ombudsman ontarien a répertorié plusieurs cas où les enquêteurs indépendants de l'UES ont tardé à rencontrer les policiers: dans le cas de la mort d'un homme de 20 ans, les policiers ont été interrogés six jours plus tard. Dans un autre cas, un policier témoin a été interviewé plus de quatre mois après les faits.

Système imparfait, donc, mais incontournable, croit néanmoins l'ombudsman de l'Ontario. Le juge ontarien à la retraite Patrick J. LeSage, qui a réexaminé le système en 2005, est aussi de cet avis. «C'est d'abord pour une question de perception», a-t-il expliqué à La Presse cette semaine.

Principaux obstacles au projet: le manque d'enthousiasme des policiers... et «les coûts extrêmement importants pour maintenir une équipe permanente de cette nature», note Paul Monty. Néanmoins, il croit que le gouvernement québécois a intérêt à étudier sérieusement la question. «Dans une population qui est de moins en moins homogène, où les policiers ne sont pas de la même provenance que les individus, je pense qu'on devra nécessairement y venir.»