Le procès de la Montréalaise Judith Brassard, détenue depuis un an dans une prison colombienne pour le meurtre de son mari, est entré dans la dernière ligne droite hier au palais de justice de Santa Marta, avec l'audition des derniers témoins de cette mystérieuse affaire.

On s'attend à ce que le juge décide rapidement si Mme Brassard, 41 ans, passera les 20 prochaines années dans une prison de Colombie ou si elle sera innocentée.

 

Selon la poursuite, Mme Brassard aurait commandité le meurtre de son mari, Felipe Rojas Gnecco, un dentiste réputé de la ville de Santa Marta, dans le nord du pays. Il a été abattu à la sortie de son cabinet en décembre 2006 par des tireurs à moto. La justice colombienne accuse Mme Brassard d'avoir payé un tueur à gages 4000$ pour mettre la main sur l'assurance vie et avoir la garde exclusive des enfants. Le couple, qui a un garçon de 12 ans et une fille de 14 ans, était en instance de divorce depuis août 2006.

La famille de Mme Brassard soutient quant à elle que l'ex-mari aurait été victime de sa «vie échevelée», et aurait notamment séduit la femme d'un narcotrafiquant de la région, qui a commandité le meurtre. L'emprisonnement, les accusations et le procès de la Montréalaise seraient une vengeance de la famille de l'ex-mari, soutient un proche qui n'a pas voulu être identifié.

«Il y a tellement de «crocherie» là-bas. La famille là-bas est très pesante, ce sont des avocats, des juges, ils pataugent là-dedans.»

Selon cette source, Judith Brassard garde un bon moral même si elle risque la prison à perpétuité. «Elle n'a rien à se reprocher. C'est une question de temps avant qu'elle soit innocentée.»

L'avocate de la Montréalaise, Norma Ramos, a déclaré aux médias que sa cliente était emprisonnée uniquement «parce qu'elle est étrangère». Il a été impossible hier de parler à Mme Brassard ou à son avocate.

Témoignages contradictoires

Judith Brassard et Felipe Rojas Gnecco se sont rencontrés à Québec et se sont mariés en 1994. Le couple s'est installé peu après au nord de la Colombie, à Santa Marta, une ville de 400 000 habitants où Mme Brassard a travaillé à titre d'enseignante de français, d'anglais et de musique. Dans un reportage sur une gloire locale, le chanteur Alejandro Manuel Palacio, le journal El Informador mentionne d'ailleurs que l'artiste de 23 ans avait suivi cinq ans de cours de vocalise et de solfège avec l'enseignante québécoise.

En août 2006, le couple s'est séparé et Mme Brassard est revenue au Québec avec ses enfants. Les procédures de divorce ont été entamées, mais sont tombées avec l'assassinat de M. Gnecco quatre mois plus tard, le 4 décembre 2006.

Mme Brassard est revenue ce mois-là en Colombie pour assister aux funérailles, et est restée au pays. «Les grands-parents voulaient voir leurs petits-enfants, ils ont supplié Judith de prolonger son séjour», explique un proche. La Montréalaise est restée en Colombie, travaillant à titre d'enseignante, jusqu'à l'été 2008. Elle a alors décidé de rentrer au Québec pour un mois de vacances. À son retour en Colombie, en août 2008 - soit 20 mois après les faits -, elle a été arrêtée sur son lieu de travail et accusée du meurtre de son mari. Dans les semaines qui ont suivi, trois autres personnes, le tueur à gages présumé et deux complices, ont également été interceptées et accusées de meurtre. L'un des trois, Jhon William Osorio Buelvas, a été identifié comme celui qui aurait appuyé sur la gâchette.

Selon le Colombia Reports, la défense de Mme Brassard repose notamment sur un CD contenant plus de 5000 enregistrements d'appels qu'elle a faits. Jamais, d'après ce registre, elle n'a appelé Osorio Buelvas. Toujours selon un média colombien, El Informador, la défense compte soulever le doute quant aux témoignages contradictoires d'Osorio Buelvas: dans les premiers interrogatoires, il n'a jamais mentionné le rôle de Judith Brassard avant de se dédire et de la désigner comme la commanditaire du meurtre.