Une adolescente lourdement handicapée victime d'attouchements sexuels commis par son chauffeur de transport scolaire est à ce point vulnérable qu'elle n'aurait jamais pu le dénoncer. À 15 ans, elle a l'âge mental d'un enfant de 2 ou 3 ans.

Il a fallu que deux enseignants soient postés par hasard à une fenêtre, d'où ils avaient vue sur le véhicule de l'agresseur, Rossel Boulerice, au moment où ce dernier caressait les seins et l'entrejambe de la victime, pour qu'une plainte soit portée.

Hier, deux ans après les faits, les deux enseignants ainsi que les parents de la victime ont assisté aux plaidoiries sur la peine à imposer à Boulerice au palais de justice de Longueuil. La Couronne a réclamé neuf mois d'emprisonnement ferme. De son côté, la défense a soutenu qu'une peine de neuf mois à purger dans la communauté serait suffisante.

«La victime n'aurait jamais pu dénoncer son agresseur. Si des professeurs n'avaient pas été à la fenêtre, on ne serait pas devant vous aujourd'hui», a dit la procureure de la Couronne, Me Marie-Josée Guillemette, au juge Marc Bisson de la Cour du Québec.

Au terme d'un procès, Rossel Boulerice, 63 ans, a été reconnu coupable d'agression sexuelle et d'avoir eu des contacts sexuels avec une personne mineure alors qu'il était en situation d'autorité. Il a déjà interjeté appel de cette décision.

Les conséquences de l'agression sont difficiles à mesurer chez la victime en raison de sa déficience. Ses parents ont exprimé par lettre leurs inquiétudes quant à la vulnérabilité de leur fille. Après l'agression, l'adolescente, qui s'exprime difficilement, a dit: «Touchez à mes seins», soulignent-ils.

La Couronne a cité plusieurs facteurs aggravants, dont la position d'autorité de l'agresseur. Le chauffeur était mandaté par une commission scolaire de la Rive-Sud pour l'amener à l'école chaque jour. L'adolescente et ses parents avaient confiance en lui. Il a d'ailleurs perdu son emploi depuis.

«À notre avis, la peine doit refléter la répugnance qu'a la société face à ce type de crime commis sur des enfants», a plaidé Me Guillemette. L'emprisonnement avec sursis est rarement imposé dans des cas d'agression sexuelle sur des mineurs, a-t-elle fait valoir.

Selon l'avocate de l'accusé, Lucie Jonças, il s'agit d'un «geste isolé». Son client est marié depuis plusieurs années et ne possède pas d'antécédent judiciaire, a-t-elle plaidé. L'homme a une santé fragile. Il a subi plusieurs AVC, dont le dernier après les accusations portées contre lui.

Me Jonças a souligné que son client ne devrait pas être puni deux fois pour le même crime. Bien qu'il ait été reconnu coupable des deux chefs d'accusation, il s'agit de la même infraction, a-t-elle indiqué. Le Code criminel ne prévoit pas de peine minimale d'emprisonnement pour le premier chef d'agression sexuelle. Or, le second chef d'accusation (contact sexuel commis par une personne en situation d'autorité) est punissable de 45 jours de prison. Ainsi, Me Jonças voudrait que son client reçoive une peine relative au premier chef seulement. Rossel Boulerice sera de retour en cour le 28

septembre.