Alors qu'il devait comparaître devant le Conseil de la magistrature pour deux infractions au code de déontologie, un juge de la cour municipale de Longueuil, Richard Alary, a pris sa retraite le 8 juin dernier, trois jours avant l'audition, en invoquant des «raisons personnelles.» Le Conseil a toutefois décidé d'examiner sa conduite, dans au moins une des deux plaintes.

Cette plainte concerne le fait que le juge Alary a utilisé son bureau de juge à la cour municipale de Longueuil, un dimanche, pour intervenir en tant qu'avocat dans un litige aux petites créances. Le plaignant, Adnan Saba, réclamait une certaine somme à sa soeur, en paiement de frais funéraires. Un dimanche, en 2008, il a reçu l'appel de quelqu'un qui, assure-t-il, lui a dit: «Faites attention, vous actionnez votre soeur et elle est bien protégée.» L'interlocuteur aurait fini par dire qu'il était l'avocat de madame. Saba a été étonné, car on ne peut être représenté par un avocat aux petites créances, a-t-il fait valoir. Comme l'afficheur indiquait «Ville de Longueuil», Saba a fini par découvrir que l'appel provenait du bureau du juge Richard Alary. Estimant qu'il s'agissait d'un abus de pouvoir, Saba a porté plainte. Il convient de préciser que dans certaines régions - dont Longueuil -, un juge de la cour municipale peut continuer à exercer à titre d'avocat. Les deux pratiques doivent cependant être exercées séparément.

 

Devant le comité d'enquête, Me Alary a soutenu qu'il n'avait jamais voulu mettre de pression sur M. Saba. Il a utilisé son téléphone à la cour municipale, ce fameux dimanche, parce qu'il avait oublié son portable dans la voiture, a-t-il expliqué. Il a aussi soutenu que depuis sa nomination à titre de juge, en 1992, il n'avait exercé sa profession d'avocat qu'à titre gracieux, sans jamais réclamer d'honoraires.

L'autre plainte, portée par le juge en chef adjoint de la Cour du Québec, Gilles Charest, reproche au juge Alary d'avoir tenté d'obtenir une signature officielle de la Ville de Longueuil pour légitimer des dépenses non admissibles au fisc. En fait, le juge Alary réclamait des déductions pour dépenses auxquelles il n'avait pas droit, et qui n'auraient de toute façon pas été engagées. Pour l'année financière 2006, le juge, qui a été payé 172 489$ pour ses séances à la cour municipale, avait obtenu la signature de la Ville de Longueuil. Mais l'année suivante, le trésorier de la municipalité a tiqué, et l'affaire s'est rendue jusqu'à la magistrature. Le 18 juin dernier, devant le comité d'enquête, l'avocat du juge Alary, Me Jean-Claude Hébert, a toutefois demandé à ce que cette plainte ne soit pas entendue, puisque Me Alary n'est plus juge. Selon lui, le comité n'a plus juridiction. Le comité a pris ce moyen préliminaire en délibéré, et rendra sa décision plus tard.