La procédure de nomination des juges est au coeur du litige qui oppose un juge d'expérience de la cour municipale de Montréal, Antonio Discepola, au juge en chef de la Cour du Québec, Guy Gagnon.

En mars dernier, le juge Discepola a soumis sa candidature pour être muté à la Cour du Québec à Montréal, à Longueuil ou à Saint-Hyacinthe. La procédure de nomination implique que toute candidature soit examinée par un comité de sélection, lui a répondu le juge en chef de la Cour du Québec, Guy Gagnon, dans une lettre datée de la fin du mois de mars.

 

Insatisfait de cette réponse, le juge Discepola, qui compte 17 ans d'expérience, a déposé une requête en Cour supérieure à la mi-juin. La décision du juge Gagnon constitue une «atteinte grave à son indépendance judiciaire», peut-on lire dans la requête. Le juge Discepola prétend que de passer devant un comité de sélection équivaut à remettre en cause «l'aptitude d'un juge en exercice». Cela «mine également la confiance du public en l'institution et en la procédure de sélection des membres de la magistrature», poursuit-il dans la requête.

Le juge Discepola prétend dans sa requête que son aptitude à exercer les fonctions de juge a déjà été évaluée au moment de sa nomination à la Cour municipale de Montréal en 1992. Selon son interprétation du règlement qui encadre la sélection des juges, le juge Discepola devrait être déclaré apte à occuper le poste de juge à la cour du Québec sans devoir passer devant le comité de sélection. Le processus d'évaluation du comité de sélection «n'est applicable qu'aux avocats et non pas aux juges en exercice d'une cour mentionnée (dans le règlement)», selon le juge de la cour municipale.

Pour qu'un juge soit muté dans un autre tribunal, les juges en chef des deux cours concernées doivent transmettre un avis à cet effet à la ministre de la Justice. Le juge Gagnon a refusé de transmettre cet avis, ce qui a déplu au juge Discepola. Le juge en chef de la Cour du Québec lui a indiqué qu'il n'entendait pas favoriser la mutation des juges des cours municipales à la Cour du Québec autrement que par le processus en vigueur (comité de sélection).

En attendant que la Cour supérieure tranche, le juge Discepola demande à la ministre de la Justice et procureure générale du Québec de ne pas recommander au gouvernement la nomination des juges au poste qu'il convoite dans les trois districts ainsi que de surseoir à toute procédure pour ces nominations.

S'il obtient gain de cause, le juge Discepola ne sera pas automatiquement muté à la Cour du Québec. La procureure générale a le pouvoir discrétionnaire de nommer les juges de la Cour du Québec - ce qui n'est pas contesté ici.

Dans une lettre envoyée par huissier au juge Guy Gagnon au début du mois de juin, l'avocat du juge Discepola, Me Joël Mercier, a précisé que son client souhaitait «à tout prix» éviter la judiciarisation du dossier. «Mais qu'il ne pourra pas faire autrement si nécessaire, compte tenu de l'importance des principes en cause et notamment l'importance de sauvegarder son indépendance judiciaire», a écrit l'avocat qui a déposé la requête en Cour supérieure le 16 juin. Me Mercier n'a pas rappelé La Presse, hier.