Pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouve l'enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, la proposition de nommer un conseiller «avec une fibre sociale» comme adjoint au coroner Robert Sansfaçon est sur la table, a appris La Presse.

Cette proposition aurait pour but de dissiper les appréhensions de la famille Villanueva et des jeunes blessés par balle envers l'enquête suspendue depuis le 26 mai. Les honoraires des avocats payés par l'État et l'élargissement du mandat de l'enquête sont au coeur de leurs revendications.

«C'est une possibilité qui a été soulevée. Mais on n'est pas rendu là, car la question des honoraires des avocats n'est pas réglée», a expliqué à La Presse une source près du dossier.

Lors d'une récente rencontre entre des avocats qui ont un intérêt dans l'enquête, la solution de nommer un conseiller - un assesseur en vertu de la loi - a été avancée.

«Si la complexité des événements qui font l'objet de l'enquête l'exige, le gouvernement, à la demande du coroner en chef, peut désigner comme assesseur une personne qui, en raison de ses connaissances et de sa compétence particulière, est en mesure d'assister et d'éclairer le coroner durant l'enquête», selon la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès.

Une seconde source près du dossier confirme cette piste de solution, en ajoutant que le conseiller devrait avoir «une fibre sociale». Plusieurs organismes, dont la Ligue des droits et libertés, demandent depuis des mois que l'enquête du coroner traite de profilage racial. Fredy Villanueva, 18 ans, est mort lors d'une intervention policière, le 9 août dernier, dans un parc de Montréal-Nord. Le coroner Sansfaçon a toujours dit qu'il voulait d'abord examiner les faits concernant les causes du décès du jeune Fredy avant d'élargir son mandat.

Des négociations entre les avocats de la famille Villanueva et le Bureau du coroner sur les honoraires ont commencé après la suspension de l'enquête. Au lendemain de son discours d'ouverture, le 26 mai, le coroner Sansfaçon a refusé de continuer tant qu'il y aurait «déséquilibre des forces en présence». Il a ainsi forcé le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, à revenir sur sa décision et à accepter de payer les frais d'avocats de la famille Villanueva et des blessés, Jeffrey Sagor-Metellus et Denis Meas.

Les avocats de la famille et des deux blessés veulent obtenir des moyens équivalents à ceux des avocats des policiers. Or, le taux de référence au gouvernement est de 100$ l'heure pour des avocats qui comptent plus de 10 ans de pratique. Les avocats des policiers, eux, sont payés au moins le double.

La question des honoraires d'avocat implique deux ministères. C'est le ministère de la Justice qui fournit le tarif gouvernemental au Bureau du coroner. Mais c'est le ministère de la Sécurité publique qui délie les cordons de la bourse, en fonction de la suggestion du Bureau du coroner. «C'est maintenant au Bureau du coroner à décider», a dit l'attaché de presse de la ministre de la Justice, Philippe Archambault. Au Bureau, on dit que «les échanges se poursuivent», selon sa porte-parole, Diane Bernier. Si le Bureau suggère des honoraires plus élevés que le tarif en vigueur, le ministère de la Sécurité publique doit se tourner vers le Conseil du Trésor.

L'avocat d'un des jeunes blessés par balle, Me Alain Arsenault, a refusé de commenter, hier. «Je n'ai rien à dire. Je ne veux pas jeter de l'huile sur le feu», a-t-il dit, faisant référence à la mini-émeute survenue mardi soir dans Montréal-Nord.

De son côté, la Fraternité des policiers de Montréal refuse de commenter la question des honoraires d'avocat. «C'est important pour nous que l'enquête reprenne en septembre. On veut que les citoyens apprennent dans les détails ce qui s'est passé pour renforcer le lien de confiance entre la population et la police», a dit son président, Yves Francoeur.

Même son de cloche au ministère de la Sécurité publique. «On souhaite et on a toujours souhaité que ça reprenne le plus rapidement possible», a dit le ministre Jacques Dupuis, hier, questionné sur le sujet en point de presse à Québec. Des dates sont réservées au début du mois de septembre et dans la semaine du 26 octobre au palais de justice de Montréal pour la suite de l'enquête.