Non, l'Écosse n'a pas le monopole sur les vallées. C'est ainsi qu'un whisky de Nouvelle-Écosse pourra conserver son nom, Glen Breton, malgré l'opposition de la Scotch Whisky Association écossaise qui voulait l'empêcher d'utiliser le terme gaélique «glen», qui signifie «vallée».

La Cour suprême du Canada a refusé hier d'entendre l'ultime appel de la Scotch Whisky Association qui s'opposait, depuis neuf ans devant les tribunaux, à ce que la distillerie Glenora de Nouvelle-Écosse utilise le terme «Glen» pour désigner son whisky. Selon l'association, vouée à la promotion et la protection du fleuron alcoolisé écossais, le whisky canadien Glen Breton pourrait être confondu avec les nombreux scotchs qui utilisent le nom Glen, comme le Glenlivet, Glenmorangie, et Glenfiddich.

Mais si l'appellation scotch est internationalement reconnue pour désigner les whiskies distillés en Écosse, ce n'est pas le cas pour le préfixe «glen». La Commission des oppositions des marques de commerce avait rejeté l'objection formulée par l'Association, lors du dépôt de la marque par Glenora en 2000. La Commission avait évalué que l'usage n'était pas suffisamment répandu pour associer «glen» et «scotch».

La Cour fédérale a renversé cette décision en avril 2008 en faveur de la Scotch Whisky Association. Mais Glenora a porté sa cause devant la Cour d'appel fédérale, qui lui a donné raison en janvier dernier. En refusant d'entendre la cause hier, la Cour suprême confirme la décision de la Cour d'appel.

La nouvelle a évidemment réjouit les dirigeants de la petite distillerie située à Glenville, au Cap Breton. Le vice-président, Bob Scott, a fait savoir par communiqué que la distillerie allait désormais «pouvoir démontrer au monde le savoir-faire des écossais gaéliques du Cap Breton pour produire un exceptionnel whisky single malt, qui est uniquement canadien.»

Le Glen Breton Rare est en effet le seul whisky single malt du pays - c'est-à-dire, qui a été produit dans une seule et unique distillerie à partir d'orge malté, contrairement à d'autres whiskies comme les populaires Johnny Walker et Chivas qui sont des mélanges de plusieurs whiskies.

Pour Alexandre Wolosiansky, propriétaire de Whisky Café à Montréal, les prétentions de la Scotch Whisky Association étaient exagérées. «Franchement, l'Écosse n'a pas le monopole des vallées!», dit-il. Il ne croit pas non plus qu'un whisky canadien au nom de vallée créera davantage de confusion. «Les gens sont déjà mélangés, dit-il. Même les connaisseurs disent des choses comme «scotch canadien» ou «scotch américain», qui n'existent pas.»

Le fabuleux monde du whisky se décline déjà en Irlande (où la boisson est épelée «whiskey»), aux États-Unis (avec le «bourbon», fait à partir de maïs) et au Canada (le «rye», à base de seigle). Le Japon produit aussi d'excellents whiskie single malt, note M. Wolosiansky.

Et qu'en est-il, du Glen Breton? «Un whisky assez particulier», dit M. Wolosiansky. «Un goût un peu différent des whiskies écossais, assez léger. Peut-être que son seul défaut est son prix élevé. Pour la qualité, on peut trouver moins cher.»

Dans sa collection, le proprio du Whisky Café extirpe une vieille bouteille de Kenloch, le premier whisky fabriqué par Glenora. Sur la bouteille, en plus de vanter le terroir néo-écossais, une inscription fait sourire: «Single Malt Scotch Whisky». Scotch? En Nouvelle-Écosse? «Glenora s'était sûrement déjà fait taper sur les doigts avant de baptiser son Glen Breton!»