Une communauté discrète, une structure familiale, une langue difficile à maîtriser... Traquer la criminalité d'origine asiatique est un défi de taille pour les autorités. Mais tous les rapports policiers le confirment: à la faveur des rafles qui ont décimé les gangs de motards et les autres malfrats en tout genre, l'influence de la filière asiatique n'a cessé de croître.

Au Québec, le crime organisé d'origine asiatique (COSA, dans le jargon policier) est surtout représenté par des ressortissants vietnamiens arrivés au pays dans les années 80 et 90. Moins instruits et nantis que leurs compatriotes débarqués dans les années 70, plusieurs se sont installés à Vancouver et ont vécu de petits salaires dans des manufactures avant d'être récupérés par le crime organisé.

 

Ces dernières années, parce qu'ils se sont fait prendre ou parce «qu'ils sentaient la soupe chaude», expliquait l'an dernier en nos pages l'enquêteur Roch Côté de la GRC, nombre de jardiniers d'origine vietnamienne se sont déplacés vers l'est. Ils sont cependant toujours les principaux producteurs de marijuana en Colombie-Britannique.

Production

Au Canada, des ressortissants d'origine chinoise dominent l'importation d'héroïne, selon un rapport mixte États-Unis-Canada sur le trafic transfrontalier de drogues, publié en 2004. Ce même rapport précise que les organisations asiatiques sont aussi très actives dans la production et l'importation d'ecstasy (MDMA).

Mais les criminels d'origine asiatique se spécialisent surtout dans la production de drogue. Hier, les perquisitions ont touché une dizaine de commerces qui vendaient de l'équipement pour faire la culture de cannabis.

La production est souvent éparpillée dans des résidences privées. En 2004, l'opération Kato a entraîné l'arrestation de 30 ressortissants vietnamiens et la découverte de 63 serres intérieures dans des résidences de la banlieue montréalaise, des Laurentides et de Lanaudière. À Repentigny, quatre serres ont été trouvées dans un même pâté de maisons!

L'arrestation d'un couple d'origine vietnamienne dans une résidence de Vaudreuil, en 2005, donne une idée de l'organisation. Le couple, qui avait vécu à Vancouver, habitait une maison qui appartenait à sa fille, qui vivait toujours sur la côte Ouest. Dans la maison, les policiers ont découvert 1490 plants de marijuana - une production jugée «considérable» par les policiers puisque la moyenne des perquisitions dans le secteur à l'époque était de 200 plants!

Les plants étaient partout, du sous-sol aux chambres. «Le seul endroit qui semble avoir été utilisé pour fins d'habitation était le salon où un lit avait été placé en face du foyer», écrit le juge Jean-Guy Boilard dans son jugement.

L'approvisionnement électrique avait été détourné du compteur, ont constaté les policiers. Selon le témoignage d'un expert de la Sûreté du Québec lors des audiences, ces détournements d'électricité «sont plus sophistiqués et moins facilement détectables» lorsqu'ils sont faits par les cultivateurs d'origine asiatique que par les autres.

Malgré tout, selon la soeur de l'accusée, le couple ignorait qu'il y avait une culture de marijuana dans cette maison dont ils n'occupaient que le salon! Selon son témoignage, le couple était à Vaudreuil pour percevoir le loyer de la location de la maison de sa fille. Le juge Boilard s'est montré sceptique. «Si ma compréhension des propos de ce témoin est exacte, l'affirmation étonne», a-t-il laconiquement commenté.

 

Règlements de comptes?

En avril dernier, le corps de Patrick Vuong Tu-Quang, 20 ans, a été trouvé dans un ruisseau à Sainte-Adèle. L'homme avait quitté son domicile de L'Île-des-Soeurs le 16 novembre et n'a jamais été revu vivant. Le meurtre, selon les policiers de la Sûreté du Québec, serait lié au trafic de stupéfiants. Selon des sources policières, quatre autres personnes liées au crime organisé asiatique ont été portées disparues à la même époque que le présumé trafiquant de L'Île-des-Soeurs.

 

Avec André Cédilot.