C'est l'arroseur arrosé. Le publicitaire Alain Richard, qui réclamait près de 2 millions de dollars en dommages pour «harcèlement et colportage de fausses informations sur sa santé mentale», se voit plutôt condamné lui-même à payer plus de 50 000$ à ceux qu'il a attaqués en justice, soit Yves Gougoux, président de BCP, et sa conjointe, Agnès Jarnuzkiewicz.

Dans une décision lapidaire rendue cette semaine, le juge Richard Wagner conclut que le harcèlement émanait plutôt d'Alain Richard. «Il est l'artisan de son propre malheur et a été l'auteur de manoeuvres abusives, même s'il a été acquitté de toutes les charges criminelles par la Cour du Québec, chambre criminelle», note le juge dans sa décision. Richard s'est défendu sans avocat dans ce procès civil qui a duré plus de 15 jours en septembre dernier, au palais de justice de Montréal.

 

Le juge concède que l'univers de la publicité et des communications engendre des «comportements qui étonnent», mais il note que Richard «ne donne pas sa place». Ce dernier utilise à profusion des formules-chocs et des concepts inédits pour s'exprimer au quotidien.

Lors de son départ de BCP, il avait laissé sur les boîtes vocales de plusieurs collègues le message suivant: «Je ne quitte pas l'entreprise parce que j'ai baisé la femme du boss». Il avait également fabriqué un jeu-questionnaire insolite pour expliquer son départ. À Gougoux, il a déjà envoyé un bras de poupée arraché, pour signifier qu'il avait de la difficulté à lui serrer la main. À un autre moment, il lui avait fait parvenir une bouteille de Pepto-Bismol pour traduire ses sentiments. Il a envoyé une lettre, au nom de son chien Hilton, à la chienne Fanny, restée avec son ex-conjointe après leur séparation. Au procès, pour appuyer sa plaidoirie, il a apporté une batte de baseball miniature rose. Ce ne sont là que quelques gestes insolites puisés dans une très longue liste.

L'origine de la querelle

Publicitaire fougueux et imaginatif, Alain Richard n'avait pas 30 ans quand il a été repêché par la prestigieuse agence BCP en 1994. Il se considérait comme le fils spirituel du fondateur de cette agence, Jacques Bouchard, qu'il idolâtrait, d'ailleurs. Il s'entendait cependant moins bien avec Yves Gougoux, président et actionnaire majoritaire de BCP.

Vers l'automne 1995, Alain Richard a fait une dépression qui l'a empêché de travailler pendant un certain temps. Il est retourné au boulot en mars 1996. Quelques mois plus tard, il quittait cependant BCP pour devenir vice-président de Groupaction, une agence appartenant à Jean Brault (qui allait devenir tristement célèbre lors du scandale des commandites). En novembre 1997, Richard était toutefois congédié de Groupaction. Crack de l'informatique, il a alors fondé sa propre agence de marketing sur l'internet. Par la suite, mais surtout à partir de 2002, Richard a tenté à de multiples reprises, mais sans succès, de retourner chez BCP. «Tu as pardonné à des pires trou d'cul que moi tu sais», écrivait-il notamment à Gougoux.

Au fil du temps, il s'est mis à hausser le ton dans ses communications et celles-ci ont pris de plus en plus la forme de harcèlement, voire de menaces. «J'ai entre les mains un bat de baseball qui te fera repousser la chevelure et te permettra d'avoir toute la visibilité que tu veux pour les nouvelles de ce soir et des prochains jours», écrivait-il à Gougoux, en février 2004. La goutte a fait déborder le vase et Gougoux s'est décidé à porter plainte à la police.

C'est dans ce cadre que Gougoux a dit aux policiers que Richard avait été interné pendant six mois pour maniaco-dépression. En réalité, il n'avait été hospitalisé que deux semaines, et ce, en raison d'une dépression unipolaire en 1995.

Au terme de son procès criminel, Alain Richard a été acquitté. Dans la foulée de cette histoire, il a intenté une foule de recours contre diverses personnes, qui ont tous été rejetés.

«Le temps est maintenant venu pour le demandeur de tourner la page et de consacrer pour l'avenir son talent et ses énergies à sa carrière et à sa famille», conclut le juge Wagner, avant de condamner Richard à payer 28 000$ en dommages moraux et exemplaires à Agnès Jarnuzkiewicz et 23 000$ à Yves Gougoux. Ceux-ci s'étaient portés demandeurs reconventionnels de la poursuite de Richard.