La police a franchi une autre étape dans sa lutte contre l'infiltration des Hells Angels dans l'économie légale, en démantelant hier un réseau qui s'imposait agressivement dans le commerce de l'esthétisme automobile.

Après avoir récemment entrepris de débusquer les motards intégrés dans le milieu de la construction, les policiers lèvent cette fois le voile sur les activités illicites de l'entreprise X Vitres-Teintées, dont les 23 franchises sont éparpillées un peu partout au Québec.

 

À l'aube hier, après deux ans d'enquête, quelque 150 policiers de la Sûreté du Québec ont fait irruption dans 18 commerces et résidences privées, la plupart dans la couronne nord de Montréal, mais aussi à Trois-Rivières et à Québec. Vingt mille plants de marijuana, une soixantaine d'armes à feu, environ 70 000$ en argent liquide et neuf véhicules ont été saisis. L'opération, baptisée Dictature, était pilotée par le Service des enquêtes contre le crime organisé de la SQ.

Au total, 27 personnes ont été épinglées et ont comparu hier après-midi par vidéo au palais de justice de Joliette sous un grand total de 140 chefs d'accusation. On les accuse, entre autres, de divers complots, d'extorsion, de gangstérisme, de production de marijuana, de trafic de cocaïne ainsi que d'armes à feu et de monnaie contrefaite.

Trois personnes sont toujours au large, à commencer par le présumé cerveau de l'organisation, Yannick Larose, à la tête de X Vitres-Teintées.

Larose se cache actuellement au Mexique avec sa conjointe, également visée par un mandat d'arrêt. Son entreprise venait d'ouvrir une succursale à Puerto Vallarta et avait des projets d'expansion en Europe, indique-t-on sur leur site internet.

Une demande d'extradition a été faite pour le rapatrier.

Larose, dont l'épais casier judiciaire remonte à 1992, entretenait des liens étroits avec l'influant Hells Angel Mario Brouillette, du chapitre de Trois-Rivières, avant que ce dernier ne se retrouve à l'ombre pour importation de cocaïne, en 2006.

Selon la police, Larose et ses acolytes tentaient de s'emparer du contrôle du commerce des vitres teintées, principalement dans les régions de Montréal et de Lanaudière. Larose et ses complices voulaient consolider leur monopole sous trois bannières, en s'associant avec les entreprises spécialisées en vitres teintées commerciales et automobiles Protex et Pelti.

Pour y parvenir, les suspects n'hésitaient pas à faire de l'intimidation, des menaces et même des voies de fait à l'endroit d'entrepreneurs concurrents.

Les policiers soupçonnent le réseau d'être responsable d'incendies criminels. En parallèle à ses activités licites, Larose dirigeait un réseau de trafiquants de marijuana et de cocaïne.

Les policiers ont perquisitionné à la résidence de Larose, située dans un quartier cossu de Mascouche. Avec une petite fontaine d'eau trônant au milieu de la pelouse et ses statues de dragon de chaque côté de la porte, Larose menait la vie de château.

Un voisin n'était pas surpris outre mesure de l'arrestation de Larose. «C'était le voisin parfait, toujours poli, qui entretenait bien sa maison. On ne l'a pas vu depuis longtemps. On l'a toujours trouvé louche, surtout depuis qu'il a fait installer des caméras chez lui», a-t-il dit.

»Le nom est sali»

Sauf Larose, aucun autre franchisé de la bannière X Vitres-Teintées - des propriétaires indépendants - n'a été arrêté. Selon la police, ils n'ont aucun lien avec les activités illicites reprochées à Larose et son gang.

Ils risquent toutefois d'être écorchés par toute cette mauvaise publicité. «C'est sûr que le nom est sali. Depuis ce matin, les clients appellent pour savoir ce qui se passe. Le téléphone ne dérougit pas», a expliqué un franchisé de l'Estrie, José Rousseau.

M. Rousseau dit avoir appris en même temps que tout le monde hier matin la nature des activités de Larose, qui a pris en charge l'entreprise il y a quelques années. «Depuis qu'il est propriétaire de l'entreprise, il poussait beaucoup et voyait grand», a souligné cet indépendant.