Ah! La belle époque où les enfants roulaient sans casque à vélo et voyageaient librement sur la banquette arrière de la voiture... Vraiment? Entre 1970 et 1990, la mortalité liée aux traumatismes chez les moins de 18 ans a diminué de moitié grâce, notamment, à l'introduction de règles de sécurité. Mais pour prévenir quelque 200 décès d'enfants québécois qui surviennent encore chaque année, de nouvelles mesures sont nécessaires, plaide l'Institut national de la santé publique du Québec. Dans la ligne de mire des spécialistes: les piscines et la route.

Le mythe: tous ces noyades, chutes, empoisonnements, crânes fracturés, bras cassés, moelles épinières sectionnées chez les enfants, sont des accidents. Faux, répond le Dr Pierre Maurice. «Les traumatismes en général peuvent être évités, comme les maladies infectieuses ou d'autres problèmes de santé. Il faut briser ce mythe selon lequel il n'y avait rien à faire. C'est un mythe trop souvent véhiculé dans nos cuisines.»

 

Le Dr Maurice, de l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), a dévoilé hier une importante étude sur les traumatismes subis par les moins de 18 ans au Québec, entre 2000 et 2005. Constat: des mesures supplémentaires doivent être adoptées, particulièrement pour prévenir les noyades, les blessures à vélo, celles subies par une collision de la route et les chutes.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, «plus de 100 enfants succombent chaque heure de chaque jour du fait d'événements évitables».

Au Québec, plus de 200 enfants et adolescents meurent chaque année à la suite d'un traumatisme. Les bébés de moins de 1 an meurent plus souvent d'une affection périnatale ou une malformation congénitale. Mais pour ceux qui ont soufflé leur première bougie, les traumatismes sont la première cause de mortalité. Ils représentent aussi la première cause d'hospitalisation chez les jeunes de plus de 10 ans.

Carlo Galli, coordonnateur du programme de prévention des blessures à l'Hôpital de Montréal pour enfants, est d'accord avec l'INSPQ: beaucoup de traumatismes ne sont pas des accidents. «D'ailleurs, sur notre site web consacré aux traumas, on évite de parler d'accidents», dit-il.

Du bébé tombé du lit de ses parents à celui brûlé par le café de la tasse qui s'est renversée, la plupart des blessures auraient pu être évitées. «Si vous avez une tasse de thé et que vous prenez votre enfant dans vos bras, vous auriez pu prévenir la brûlure en posant la tasse avant. C'est la même chose avec les jeux qui ont des petits morceaux, il faut lire la notice pour ne pas que l'enfant avale un morceau.»

«L'idée n'est pas de culpabiliser les victimes et les parents, précise le Dr Maurice. Il faut être aux aguets et considérer que ce sont des phénomènes qui peuvent être prévenus, comme bien d'autres problèmes de santé. Il faut agir en amont pour ne pas avoir à se consoler à la suite d'un événement malheureux.»

Des règles plus sévères

Chaque été, les noyades dans les piscines résidentielles font les manchettes. Environ 14 enfants et adolescents meurent noyés chaque année et 33 autres sont hospitalisés à la suite d'une quasi-noyade. La grande majorité des quasi-noyades (23 sur 33) surviennent chez les moins de 4 ans.

Pour l'INSPQ, la baisse de la mortalité par noyade passe par une réglementation uniforme pour tout le Québec. L'Institut recommande que les piscines - qu'elles soient creusées, semi-creusées ou gonflables - soient entourées d'une clôture infranchissable de quatre côtés avec une porte à fermeture et à verrouillage automatique. Un projet de réglementation est à l'étude à Québec et devra être discuté en commission parlementaire avant d'être adopté par le gouvernement.

Pourquoi une clôture à quatre côtés? «La plupart des enfants qui se noient dans une piscine sont ceux qui habitent la maison, pas ceux des voisins, dit le Dr Maurice. Il faut qu'on isole l'aire de la piscine du reste de la maison, et ne pas se servir de l'arrière de la maison comme l'un des côtés.»

Sans mesures coercitives, les comportements ne changent pas. Comme pour le port du casque à vélo. «Sans une loi, le taux de port du casque restera à 40%. En Australie, le taux est de plus de 80%. Ça prend une loi couplée à une campagne de promotion.»

L'INSPQ se préoccupe aussi de la sécurité des piétons. «Aujourd'hui, on veut encourager les enfants à aller à l'école à pied pour contrer d'autres phénomènes comme l'obésité, et on est tout à fait d'accord avec ça.» Encore faut-il que ces déplacements se fassent en toute sécurité. «Il faut avoir des corridors scolaires sécuritaires. Il faut aussi des mesures d'atténuation du trafic, pour réduire la vitesse, détourner la circulation hors des quartiers résidentiels, et favoriser l'utilisation de transport non motorisé. Il y a beaucoup de travail à faire de ce côté-là.»

Enfin, il faut encore mettre l'accent sur les sièges d'auto pour enfants, dit l'INSPQ. «Au Québec en général, les enfants sont attachés, dit le Dr Maurice. Le problème, c'est qu'ils sont mal attachés.»

Garçons

Une douzaine de jeunes piétons québécois perdent la vie chaque année et 180 autres sont hospitalisés. Pendant la même année, huit cyclistes sont tués, presque tous des garçons.

Plus aventureux et moins prudents, les garçons sont d'ailleurs plus souvent victimes de traumatismes. Ils représentent les deux tiers des noyades, sont plus souvent victimes de chutes entre l'âge de 10 et 14 ans, ainsi que de suicides (qualifiés ici de traumatismes intentionnels).

Dans un rapport mondial sur les traumatismes chez les enfants, l'Organisation mondiale de la santé note également la surreprésentation des garçons victimes des traumatismes. Entre 15 et 17 ans, 86% des victimes par traumatisme dans le monde sont des garçons.