La Sûreté du Québec enquête sur le crime organisé qui blanchirait l'argent illicite par l'entremise d'entreprises de construction légales, en particulier dans le secteur de la maçonnerie. Elle a fait hier une autre frappe dans ce secteur, notamment à la FTQ, dans le but de coincer des «intermédiaires» qui facilitent les contacts entre le monde interlope et les entrepreneurs.

Tôt en matinée, au siège social de la FTQ, sur le boulevard Crémazie, les enquêteurs ont ciblé plus particulièrement les bureaux de l'Association canadienne des métiers de la truelle, section locale 100. Ce syndicat, affilié à la FTQ-Construction, représente quelque 4000 briqueteurs-maçons, carreleurs, cimentiers et plâtriers. Le directeur syndical, Roger Poirier, a refusé tout commentaire. «Les policiers nous ont demandé de ne rien dire, alors c'est ce qu'on va faire», a-t-il dit.  Les policiers de la SQ ont également fait en cours de journée des perquisitions dans une quinzaine d'entreprises et de résidences à Montréal, Boucherville, L'Assomption, Repentigny, Le Gardeur et Laval. Au total, 17 personnes ont été interrogées, en lien avec l'enquête de la SQ sur le blanchiment d'argent dans le secteur de la construction et l'infiltration de l'économie légale par le crime organisé, mais personne n'a été arrêté. La SQ refuse de dévoiler les noms des entreprises visitées.

Cette nouvelle vague de perquisitions est le prolongement d'une série d'interventions survenues début avril dans des entreprises de construction, surtout liées au secteur de la maçonnerie, dans tout le Québec. Début mars, La Presse indiquait que la police enquêtait depuis deux ans sur la pénétration du monde interlope dans des secteurs particuliers de l'économie légale.

La semaine dernière, le président de la Commission de la construction du Québec, André Ménard, dans un entretien à La Presse, avait indiqué que le secteur des maçons, surtout, posait un problème. Une opinion partagée par Gilbert Grimard, porte-parole des entrepreneurs du Québec.

Fin mars, la police était déjà passée à la FTQ-Construction, et d'autres perquisitions ont eu lieu début avril, notamment chez Grues Guay et chez Louis-Pierre Lafortune, un des administrateurs de l'entreprise. Un membre des Hells Angels, Normand Casper Ouimet, était aussi proche du secteur de la maçonnerie - il est toujours en cavale ayant échappé à l'opération SharQc qui a décapité l'organisation criminelle, à la mi-avril. Les deux étaient des amis de Jocelyn Dupuis, l'ex-directeur de la FTQ-Construction. Ce jour-là l'escouade spéciale de la SQ avait aussi débarqué au bureau d'avocat de Me Richard Hébert, à Laval, pour obtenir des dossiers en présence du syndic du Barreau. Me Hébert était conseiller juridique dans le secteur de la maçonnerie et intervenait dans certaines entreprises.

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, a assuré hier que la centrale a offert hier sa collaboration lorsque les enquêteurs se sont présentés. «Ce que je trouve curieux, toutefois, c'est que les perquisitions faites en présence de journalistes n'ont jamais lieu chez les employeurs. C'est toujours à la FTQ que les journalistes débarquent, et c'est pourtant chez les employeurs que se fait le blanchiment», a déploré M. Arsenault.

«Ça fait deux ans que les policiers enquêtent au sujet de cette affaire. On fait beaucoup d'associations d'images, mais il n'y a toujours pas d'accusations. Il va falloir que ça aboutisse un jour, cette enquête-là», a-t-il poursuivi.

L'actuel président de la FTQ-Construction, Yves Mercure, a soutenu que beaucoup de la controverse actuelle dans les médias touchant la construction vient de l'effervescence liée à la période de maraudage. Début juin, les 160 000 travailleurs de la construction pourront se rendre voter pour changer d'allégeance s'ils le désirent - la FTQ comprend 44% des travailleurs de ce secteur.