Santé Canada ne peut être tenu responsable des conséquences subies par les victimes d'implants mammaires au gel de silicone défectueux, même si des études avaient soulevé des doutes quant à leur sécurité. C'est ce qu'a indirectement confirmé la Cour suprême du Canada, hier, en rejetant la demande de 30 000 Canadiennes d'intenter une poursuite pour négligence contre le gouvernement fédéral.

Joyce Attis et Alexandra Tesluk - qui représentent ces femmes ayant reçu des implants de Dow Corning entre 1969 et 1992 - ont reçu des implants mammaires en 1972 et 1980, avant de se les faire retirer au début des années 90. Leurs implants se sont rompus ou ont coulé, entraînant chez elles des conséquences médicales et des incapacités permanentes. Mme Attis, qui avait reçu un implant pour remplacer un sein qui ne s'est jamais développé, est sous médication pour soigner la douleur chronique causée par le lupus et la fibromyalgie, dont elle souffre depuis que sa prothèse de silicone s'est rompue. «J'ai 58 ans, a-t-elle expliqué hier à La Presse, mais j'ai la santé d'une femme de 90 ans.» Dow Corning a été condamnée, en 1995, à verser 3,2 milliards US à plus de 300 000 victimes, dont des Canadiennes. Des études scientifiques avaient démontré, bien avant qu'elle ne cesse de commercialiser ses implants, que ceux-ci présentaient un danger.

Pour cette raison, Santé Canada aurait dû intervenir, ont soutenu les deux femmes. Mais les tribunaux ontariens ont estimé que dans ce cas, c'est le manufacturier qui est responsable de la sécurité de ses produits et que Santé Canada ne pouvait être tenu responsable de leur négligence.

Pour Mme Attis, c'est une défaite amère pour ses avocats, qui se battent depuis neuf ans pour sa cause, et pour les femmes en général. Deux des trois juges de la Cour suprême qui ont rejeté sa cause sont des femmes, a-t-elle déploré. «Si les femmes ne peuvent être solidaires pour défendre les femmes, qu'est-ce qui nous reste?»

«Je voudrais avertir les Canadiennes et leur famille de vérifier soigneusement chaque appareil médical et chaque médicament qu'ils se font prescrire, a-t-elle dit. Quand on lit que Santé Canada a autorisé la mise en marché d'un produit, on ne peut pas se fier à eux. Ils ne font pas d'études et ne peuvent être tenus responsables.»