Sur le bureau de France Rémillard, qui s'occupe de cas d'enlèvements d'enfants au ministère de la Justice du Québec, se trouvent 43 dossiers d'enlèvements parentaux. Sur ces 43 cas, 30 enlèvements sont le fait de mères, et non de pères.

Vrai, quand la convention de La Haye a été adoptée en 1980, il s'agissait alors de mettre en place un réseau de pays prêts à collaborer lorsqu'un père kidnappait son enfant «puisque telle était la tendance à l'époque», explique Me Robillard.

Ce n'est plus le cas, précise-t-elle. «Aujourd'hui, plus typiquement, ce sont des femmes qui kidnappent leurs enfants. Des femmes qui viennent de se séparer ou qui le sont depuis quelque temps et qui décident, puisqu'elles sont maintenant seules, de rentrer dans leur pays d'origine pour y être entourées de leur parenté. Ces années-ci, je reçois notamment beaucoup de dossiers avec la France.»

Un autre cas de société distincte québécoise, ce phénomène des femmes qui sont plus nombreuses à fuir avec leurs enfants?

Les données de la Gendarmerie royale du Canada démontrent que non.

En 2005, la GRC est intervenue dans 48 dossiers de mères ayant enlevé leurs enfants et dans 26 dossiers de pères. En 2006, c'était 53 mères pour 17 pères. En 2007? Vingt-six mères pour 15 pères. Des études réalisées aux États-Unis (Kochan, 2003) ou en Grande-Bretagne (Freeman, 2003) indiquent que dans ces pays aussi, les mères sont aujourd'hui plus nombreuses à fuir avec leurs enfants que les pères.

Une affaire de femmes qui fuient avec leurs enfants un homme violent, serait-on aussi porté à croire. Ce ne serait pas non plus le cas classique. «Nombreuses sont celles qui invoquent cet argument pour justifier l'enlèvement et pour mieux s'en tirer devant les tribunaux. Dans les faits, dans la majorité des cas, ni la mère ni les enfants n'ont été maltraités avant l'enlèvement», relève John Oliver, fondateur de l'organisme canadien Missing Children.

Alain Roy, professeur de droit à l'Université de Montréal, ne s'étonne pas outre mesure du fait que les femmes soient maintenant majoritaires dans les dossiers d'enlèvements parentaux.

En scrutant de près 869 dossiers de divorces prononcés ici entre 2004 et 2007, Alain Roy a calculé que 16% des pères avaient obtenu une garde exclusive des enfants et qu'une autre proportion de 27% avait une garde partielle. «Or, de nos jours, une garde partielle ne signifie plus une petite fin de semaine sur deux. Cela comprend souvent aussi les nuits des mercredis. Ainsi, dans 43% des cas, les pères sont toujours très impliqués. Les femmes se sont beaucoup battues pour obtenir l'implication des pères. Maintenant que c'est davantage le cas, le revers de la médaille ne leur plaît pas toujours. De la même manière, maintenant qu'elles ont souvent de meilleurs emplois que leurs conjoints, elles sont nombreuses à ne pas voir d'un très bon oeil les règles de partage du patrimoine familial.»

Prendre ses précautions

Bien que les cas de rapts d'enfants soient rares, ils sont toujours si hautement dramatiques que les policiers ne ménagent rien pour essayer d'en limiter le nombre. Quitte à jurer un peu dans le paysage du Salon Maternité Paternité où ils ont chaque année un kiosque, au grand étonnement de parents préparés à se faire entretenir d'allaitement, pas d'enlèvement.

De nos jours, chaque enfant doit avoir son propre passeport et Passeport Canada recommande au surplus aux parents qui partent à l'étranger avec leur enfant d'avoir en main une lettre prouvant l'assentiment de l'autre parent.

De plus, quand les choses se gâtent, il est possible, en fournissant un exemplaire de son ordonnance de garde, de faire inscrire son enfant sur une liste d'alerte par laquelle on est avisé dès que l'ex-conjoint présente une demande de passeport au nom de l'enfant.

L'ordonnance de garde elle-même peut contenir des clauses allant de l'interdiction de voyage avec l'enfant à la remise pure et simple du passeport au tribunal.

Si les parents doivent prendre des précautions quand les choses virent mal, les policiers, qui ne font pas souvent face à de telles situations, gagnent aussi à être sensibilisés à ces réalités. «Souvent, les policiers ont pour réflexe de penser qu'ils n'ont affaire qu'à une autre histoire de rupture amoureuse houleuse, explique Robert Beaulieu, coordonnateur du programme Nos enfants disparus, à la GRC. Les policiers ont encore trop souvent tendance à conseiller aux gens de contacter leur avocat et, au pis aller, de les rappeler 24 heures plus tard.»

Des indices clés devraient au contraire être rapidement recherchés. L'autre parent a-t-il démissionné de son travail? Sa maison a-t-elle été vendue? Y a-t-il eu liquidation de biens? Fermeture de comptes bancaires? Demandes de passeport?

C'est d'autant plus important de prendre les choses au sérieux que souvent, cela peut faire la différence entre retrouver son enfant et risquer de ne plus jamais le voir, relève Robert Beaulieu. «Dans un dossier - un dossier impliquant un père, celui-là -, nous avions un mois pour agir. À 7 ans, selon les lois du pays, le père obtenait automatiquement la garde exclusive de l'enfant.»

Près de 80 pays ont signé la convention de La Haye relative aux enlèvements d'enfants.