Kamal Meddane pourrait devenir le plus jeune criminel déclaré «délinquant dangereux» au Québec, une peine d'exception, la plus lourde prévue au Code criminel.

Après avoir évalué le prédateur sexuel de 20 ans, le psychiatre Louis Morissette a fait cette recommandation, hier, au juge Patrice Hurtubise, en chambre de la jeunesse de la Cour du Québec à Montréal.

 

Kamal Meddane avait 15 ans lorsqu'il a commis sa première agression sexuelle. À 16 ans, il a récidivé, cette fois avec beaucoup de violence. C'est à cet âge qu'il a refusé une première thérapie pour les agresseurs sexuels. Il en a refusé trois au total.

À 17 ans, alors qu'il était en mise à l'épreuve, il a fait trois nouvelles victimes. La plupart de ses victimes sont de belles adolescentes de 13 ans aux airs fragiles qu'il choisit au hasard dans un autobus ou une station de métro. Il a forcé l'une d'elles à le regarder se masturber. Il en a violé une autre sans condom.

Dans ces trois derniers cas, il a plaidé non coupable. Au terme du procès, le juge Hurtubise l'a reconnu coupable de toutes les agressions. La Couronne, représentée par Me Sylvie Lemieux, a ensuite demandé au juge d'imposer une peine applicable aux adultes, ce à quoi le magistrat a consenti. C'est pourquoi les médias peuvent l'identifier, même s'il a commis ses crimes alors qu'il était encore adolescent.

Hier, le juge Hurtubise a entendu la requête de la Couronne pour faire déclarer Meddane «délinquant dangereux». En 20 ans de carrière, c'est seulement la deuxième fois que le psychiatre Louis Morissette conclut qu'un jeune adulte, adolescent au moment de ses crimes, doit être déclaré «délinquant dangereux». Dans le premier cas, celui du prédateur sexuel de Montréal-Nord, âgé de 20 ans lui aussi, le psychiatre a recommandé qu'il soit déclaré «délinquant à contrôler ou dangereux». Le juge n'a toujours pas rendu sa décision, qui est attendue ce printemps.

Selon le Dr Morissette, Kamal Meddane n'a pas cheminé depuis sa première agression. «Il nie son problème de déviance sexuelle et refuse de s'impliquer dans une thérapie», a souligné le médecin. À deux reprises, Meddane a même refusé de subir une évaluation de ses préférences sexuelles. «Je n'ai jamais vu ça, quelqu'un qui refuse ce test», a souligné l'expert au tribunal.

Le jeune homme a une «déviance sexuelle de type sadique», selon le psychiatre. Il se sert de la violence et de l'humiliation pour agresser des adolescentes pubères et des femmes. Meddane n'a pas de maladie mentale grave ni de problème de toxicomanie ou d'alcool. Le jeune homme était un cancre à l'école et a refusé toutes les démarches proposées pour trouver un emploi. Il a une «haute estime de lui-même» et il manque d'empathie, toujours selon le médecin.

Une mesure rare au Québec

Au moment d'être déclarés délinquants sexuels dangereux ou à contrôler, la majorité des criminels ont déjà reçu une peine de prison de plus de deux ans. Meddane serait donc une exception, si le juge entérine la recommandation de la Couronne. Cette mesure n'est pas souvent appliquée au Québec. Un «délinquant dangereux» est condamné à une peine de prison «indéterminée». Il n'a droit à aucune libération conditionnelle, mais son cas est revu périodiquement.

En contre-interrogatoire, l'avocate de la défense, Me Sophie Picard, a suggéré au psychiatre que son client avait refusé des thérapies parce qu'il était d'origine algérienne; étant donné ses origines, a-t-elle dit, il était gêné de parler de sexualité. Le psychiatre a balayé cet argument d'un revers de main. «C'est gênant pour tout le monde d'exposer ses déviances sexuelles, mais des Québécois de toutes les cultures ont suivi cette thérapie», a répliqué le psychiatre. La défense présentera une contre-expertise le 29 mai.

Meddane est détenu depuis son arrestation, en avril 2007. Il est en attente d'un procès dans une autre cause d'agression sexuelle, devant un tribunal pour adultes cette fois.

Hier, ses parents et son frère étaient dans la salle d'audience, de même que deux de ses victimes.