Francis Proulx éprouvait de la hargne envers les «riches» et les représentants du pouvoir, y compris le ministre Claude Béchard qu'il «aurait tué s'il avait pu».

Proulx, accusé du meurtre prémédité de Nancy Michaud, a tenu ces propos à un faux détenu, un agent d'infiltration avec lequel il a partagé sa cellule la nuit de son arrestation, le 18 mai dernier, au quartier général de la Sûreté du Québec dans la Vieille Capitale. En riant à plusieurs reprises à gorge déployée, Proulx lui a raconté en détail le meurtre de l'attachée politique de Claude Béchard.

Le policier, identifié par le code HQ 1200, a décrit au jury sa mission d'infiltration, vendredi, au procès de Proulx au palais de justice de Québec. Le jury a ensuite écouté l'enregistrement audio de leur conversation enregistrée à l'insu de Proulx (grâce à un émetteur de poche). Pour obtenir des aveux, le policier a joué le rôle d'un criminel qui venait de tuer sa «blonde», multipliant les commentaires désobligeants envers les femmes. Commentaires auxquels Proulx répondait, en renchérissant avec d'autres propos misogynes.

Proulx s'est confié au faux détenu cinq minutes à peine après avoir fait connaissance avec lui. Lors de cette conversation ponctuée de jurons, l'accusé dit qu'il aurait tué le ministre Claude Béchard s'il en avait eu l'occasion. Et qu'il souhaite la mort de tous les juges, les policiers et les procureurs. Il en veut aux «riches» ainsi qu'à tous ceux qui l'ont raillé dans son enfance. Sa haine ressentie envers les gens de Rivière-Ouelle, un village de 1200 personnes où la victime et lui ont grandi, est manifeste. S'il avait eu des explosifs, il aurait fait exploser le village «au complet», a-t-il dit.

L'homme de 29 ans reproche à la victime de « faire une belle vie » avec son salaire d'attachée politique. «Ça pète plus haut que le trou. Pas besoin de ça», a-t-il dit. Si elle avait été pauvre, il ne l'aurait pas tué, a-t-il précisé. «La famille va m'en vouloir, là. On s'en câlisse-tu. Y avaient rien qu'à me respecter quand j'étais jeune, ça aurait pas viré de même», a-t-il ajouté. Proulx était le souffre-douleur de ses camarades de classe en raison de ses tics nerveux et du fait que sa mère était témoin de Jéhovah.

À plusieurs moments de son récit du crime, Proulx tient des propos vulgaires et désobligeants envers la victime. Assis dans la première rangée, le mari de Mme Michaud, présent au procès depuis son début, a éclaté en sanglots à l'écoute de cet enregistrement.

Le soir du meurtre, l'accusé a surpris Nancy Michaud, endormie nue dans son lit. Il l'a menottée aux pieds et aux mains. La victime a refusé de lui donner de l'argent. Dans la chambre à coucher, il a tiré trois coups de revolver, sans l'atteindre. Il a volé ses cartes de débit, puis l'a forcée à le suivre au sous-sol. C'est là qu'il l'a tuée. «Je l'ai tirée dans la tête. Je ne voulais pas prendre de chance», a-t-il indiqué au faux détenu, alors qu'il avait plutôt parlé d'un «accident» à un enquêteur lors de son interrogatoire.

«Je me suis promené dans tout le village avec le cadavre», se vante-t-il dans l'enregistrement audio. « J'ai pas de remords », a-t-il précisé. L'autopsie a révélé par ailleurs que la victime avait été violée à trois reprises par l'accusé. Nancy Michaud a été trouvée morte dans un sous-sol d'une maison abandonnée du village, deux jours après sa disparition, le 18 mai 2008.

L'accusé raconte aussi au faux détenu avoir « hâte d'aller dans une prison fédérale ». Il rêve d'y manger des fruits de mer et des steaks, alors qu'il n'avait pas les moyens de s'en payer avant. « C'tu vrai que tu peux te faire servir une deuxième fois? Avoir su j'aurais fait un meurtre avant», dit-il. «Ma nouvelle vie commence», lance-t-il, certain d'avoir «plus de fun en prison que dehors» avec «du monde comme moé».

L'accusé se targue d'avoir rendu son village «célèbre», alors que les médias sont arrivés chez lui pour couvrir le meurtre. «Tu as le privilège de me voir en personne. Le coucou en chair et en os», a ajouté Proulx à son confident. Il insiste sur le fait qu'il ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas, mais qu'il est un tueur.

Après avoir passé la nuit au quartier général de la SQ, où il s'est confié au faux détenu, Proulx a été transféré au centre de détention de Québec. Là-bas, la réalité carcérale l'a frappé de plein fouet. Il a été rudoyé par d'autres détenus, selon ce que l'avocat de la défense a souligné. Proulx a rapidement été transféré de nouveau, cette fois dans le secteur de protection du centre de détention de Rimouski. À son arrivée, l'accusé a confié à une agente correctionnelle avoir tenté de se suicider avec un couteau en plastique à la suite du meurtre. Il a alors montré sa blessure superficielle à cette agente venue témoigner. La preuve de la Couronne se poursuit lundi.