Francis Proulx, souffre-douleur de ses camarades de classe dès l'école primaire, aurait voulu tuer d'autres résidants de Rivière-Ouelle qui l'avaient «écoeuré» dans le passé.

C'est ce que les jurés au procès de l'homme de 29 ans ont appris, hier, en visionnant la suite de l'interrogatoire policier auquel l'accusé s'est soumis le jour de son arrestation le 18 mai dernier. Proulx est accusé du meurtre prémédité de Nancy Michaud, attachée politique du ministre Claude Béchard.Au cours de cet interrogatoire, Proulx a indiqué avoir conservé son revolver de calibre 22 après avoir commis le crime, arme achetée illégalement quelques années auparavant. «Je ne pensais pas me faire pogner. Peut-être que j'en aurais clenché un suivant», a-t-il expliqué au sergent-enquêteur Michel Comeau, de la Sûreté du Québec. «J'aurais pogné le premier qui m'aurait écoeuré», a-t-il poursuivi. Proulx a nommé deux personnes, dont un membre de la famille du mari de Mme Michaud, qui l'ont déjà nargué et qu'il aurait voulu tuer. Il n'avait pas de liste, a-t-il spécifié, mais plusieurs noms en tête.

Le meurtre n'avait rien à voir avec la fonction de Mme Michaud, bien que les ministres soient «tous des pourris», a précisé Proulx. Il lui reprochait de ne jamais le saluer dans la rue. Pour lui, sa victime faisait partie du «monde hautain» de Rivière-Ouelle, village de 1200 habitants du Bas-Saint-Laurent.

Un vol seulement

Lors de l'interrogatoire, Proulx avait de la difficulté à expliquer son geste. «Tu peux même dire que je suis un déréglé mental», a-t-il lancé à l'enquêteur. Proulx est entré chez Mme Michaud pour y commettre un vol, et non dans l'intention de la tuer, selon son témoignage du 18 mai. Ce n'était pas son premier vol qualifié. Il en avait déjà commis cinq dans des dépanneurs de la région dans les mois précédents.

Proulx s'est rendu à pied chez Mme Michaud vers 23h15 le 15 mai. Il est entré par le sous-sol. La porte était déverrouillée. Mme Michaud, qui dormait à l'étage, s'est réveillée lorsqu'il a fait irruption dans l'escalier. Elle l'a imploré de ne pas s'en prendre à ses deux jeunes garçons qui dormaient dans la chambre voisine.

Proulx lui a mis des menottes aux chevilles, en plus de lui attacher une main à son lit avec une seconde paire de menottes. Il l'a ensuite forcée à lui inscrire sur un bout de papier les numéros d'identification personnelle de ses deux cartes de guichet. «Pour lui faire peur», il a tiré deux coups de feu dans la chambre, sans l'atteindre.

Proulx a ensuite demandé à Mme Michaud de descendre avec lui au sous-sol. «Dans la cave, je me suis accroché dans le cadre de porte. Y avait des bébelles. Le coup est parti. Bang! (...) Je me suis pas senti gros dans mes culottes», a-t-il expliqué. Il l'a atteinte à la tête. Sa victime s'est effondrée sur le plancher de béton. Ses yeux ont «viré», a raconté Proulx en spécifiant que c'était un accident et que sa victime n'avait pas dû souffrir.

Billets de loterie

L'accusé a ensuite raconté avoir traîné le corps jusqu'au cimetière où il l'a mis dans sa voiture pour finalement l'amener dans une maison abandonnée du village, propriété d'une tante déménagée en Outaouais. Il a déposé le corps sur un lit, puis est parti. Plus tard cette nuit-là, il est allé s'acheter 19 billets de loterie instantanée qu'il a grattés à l'aide d'une cuillère «lentement, minutieusement» dans une station-service de La Pocatière, a témoigné, hier, le pompiste Patrick Miville.

Le lendemain, dans la soirée du 17 mai, Proulx est revenu à la maison abandonnée pour dissimuler le corps au sous-sol. Puis, il est retourné à la station-service où il avait acheté des «gratteux» la veille. Des policiers étaient aussi dans le commerce. «Est-ce qu'ils sont ici pour moi?» a demandé Proulx au propriétaire, Harold Dionne. «Il m'a dit que ça brassait pas mal à Rivière-Ouelle et que beaucoup de monde pensait que c'était lui», a témoigné M. Dionne, hier. Proulx avait l'habitude d'y acheter pour de 50$ à 100$ de «gratteux» par semaine.

Proulx sera finalement arrêté le lendemain, le 18 mai, jour où le corps de Mme Michaud sera retrouvé. Le procès se poursuit aujourd'hui au palais de justice de Québec.