La ruelle du quartier Saint-Henri où le corps de Jessica Neilson a été découvert, vendredi, aura rarement été aussi fréquentée qu'hier. Des dizaines de personnes y ont défilé pour tenter de comprendre comment la voiture de la jeune femme a pu passer inaperçue pendant quatre mois dans ce coin pourtant densément peuplé de Montréal.

Tout de noir vêtue, la chanteuse montréalaise Suzie Arioli est venue y déposer sur le coup de 13h un bouquet de lis blancs. Elle ne connaissait pas la victime, mais elle avait tout de même le coeur gros. «Je trouve cela horrible. Comment peut-on imaginer que personne n'a vu la voiture? Comment expliquer que personne n'ait rien fait? C'est inexplicable et inexcusable.»

 

Avant elle, Jeanine Gilbert était aussi venue avec une amie. «Je n'ai pas pu m'empêcher de venir. Cela m'intriguait trop. Je voulais voir où elle était, comment expliquer que la voiture ait pu rester là aussi longtemps sans que personne ne la remarque. Mais je ne comprends pas davantage.»

La voiture de Jessica Neilson a été découverte vendredi matin au fond de la ruelle qui se trouve entre les rues Notre-Dame et Workman. Personne ne l'avait vue depuis le 8 décembre, et tout porte à croire qu'elle a passé l'hiver garée là, jusqu'à ce qu'un travailleur sonne l'alarme.

«Il faut bien habiter à Montréal pour que de telles choses se produisent», a lancé plus tard Carole Soucy, à l'instar de plusieurs autres résidants du secteur, rencontré hier après-midi par La Presse.

«Pas si vite! Ce n'est pas qu'on a fermé les yeux parce qu'on est individualistes», a réagi à ces propos Mike, qui a préféré taire son nom de famille. La cour de l'appartement de sa copine donne directement sur l'endroit où la voiture de Jessica a été trouvée. Entre les deux, il n'y a que quelques pas, mais aussi une imposante clôture de bois qui obstrue complètement la vue, a constaté La Presse. «On ne l'a jamais, jamais vue. C'est une ruelle où personne ne va. On ne s'y est jamais garés», a insisté le jeune homme.

La ruelle n'est pas bien entretenue et on imagine mal des enfants s'y amuser. Une section est envahie par les conteneurs à déchets d'un restaurant. «Les choses auraient sûrement été différentes dans le Plateau-Mont-Royal, où les ruelles sont dégagées, animées, et où les gens circulent beaucoup. Mais ce n'est pas comme ça ici», ajoute Mike.

Même son de cloche à quelques portes de là: l'appartement de Bao Trang offre une vue en plongée sur la ruelle. Il précise que seule une petite portion en est dégagée l'hiver et que la neige est entassée à l'endroit précis où la voiture de Jessica Neilson a été découverte, dans une portion sans issue de surcroît. «Elle a certainement été ensevelie dès la première tempête, et après on ne l'a plus revue. Personne ne va là», a-t-il dit.

Oden Richards regrette tout de même aujourd'hui de ne pas être allé faire un tour à l'occasion derrière son commerce d'antiquités. «Je suis tellement triste de savoir maintenant que cette fille était si proche...»

«C'est un avertissement sérieux qu'il faut être plus attentifs à ce qui nous entoure», dit-il.

Une autopsie sera faite en début de semaine prochaine pour tenter de percer le mystère de la mort de Jessica Neilson, qui demeurait entier, hier. La police n'a d'ailleurs pas encore confirmé qu'il s'agit bel et bien de la jeune mère de famille de 25 ans, quoique, pour ses proches, la chose semble d'ores et déjà entendue. Joint par La Presse hier soir, son conjoint, Shawn Murray, a confirmé que la voiture était bien celle de Mme Neilson. Plusieurs amis sont venus déposer des gerbes de fleurs et des messages à son nom à l'entrée de la ruelle.