C'était le 7 juillet 2000, mais Hélène Brunet s'en souvient comme si c'était hier. Elle se souvient de chaque détail de ce jour où, bien malgré elle, elle est devenue bouclier humain.

Hélène Brunet se souvient du regard vide, de la barbe mal rasée et des cheveux en bataille de Gérald Gallant, ce tueur à gages dont les aveux ont mené hier à l'arrestation de 10 personnes.

 

Aujourd'hui âgée de 40 ans, elle travaillait comme serveuse au restaurant Eggstra, sur le boulevard Henri-Bourassa à Montréal-Nord. Ce matin d'été, elle servait Robert Savard et Normand Descôteaux, deux sympathisants des Hells Angels.

À une autre table, Hélène Brunet avait également pour client un homme vêtu d'une chemise à carreaux. Elle trouvait son attitude étrange.

Plusieurs années plus tard, elle apprendra qu'il s'agissait de Gérald Gallant. «Il ne me parlait pas, il ne me regardait pas», raconte Mme Brunet, jointe hier par La Presse.

Soudain, un homme cagoulé a fait irruption dans le restaurant, faisant sursauter la serveuse. Il a sorti un fusil et abattu Robert Savard à bout portant avant de se retourner vers Normand Descôteaux pour lui faire subir le même sort.

Ce dernier a alors empoigné Hélène Brunet, qui a reçu quatre balles dans le bras droit et dans la jambe droite. Gérald Gallant, qui était complice de l'autre tueur, a lui aussi fait feu, a-t-elle appris plus tard.

Les années suivantes ont été difficiles. Elle a dû subir plusieurs opérations et suivre d'innombrables séances de réadaptation pour réapprendre à marcher. Épuisée, Hélène Brunet a sombré dans la dépression.

Puis elle s'est relevée. Elle a tenté de joindre Maurice Boucher à plusieurs reprises pour lui rappeler le code d'éthique des motards. Elle s'est aussi battue pour obtenir une nouvelle loi antigang plus efficace, qui a été adoptée en janvier 2002.

«Aujourd'hui, je peux affirmer que j'ai repris confiance dans le système judiciaire», a confié Hélène Brunet, qui s'est dite soulagée par les arrestations d'hier. Selon la police, l'attentat dont elle a été victime avait été commandé par Gérard Hubert et le narcotrafiquant Raymond Desfossés.

Éric Vanlerberghe a lui aussi obtenu des réponses, hier. Son frère Bruno, membre en règle des Hells Angels de Québec, est l'une des 28 personnes dont le meurtre serait lié aux arrestations d'hier. «Après 12 ans, c'est plutôt étonnant. Disons que ça remue plusieurs souvenirs», a dit à La Presse M. Vanlerberghe, joint à son domicile de Laval.

Son frère, surnommé «Cowboy» par ses pairs, mangeait dans un restaurant de la banlieue de Québec quand un homme a surgi par la porte d'entrée, en décembre 1996.

Bruno Vanlerberghe s'asseyait toujours face à l'entrée pour surveiller les allées et venues des clients. Mais ce jour-là, par un hasard qui lui sera mortel, «Cowboy» faisait dos à la porte. Atteint de six balles dans le dos et dans le cou, il est devenu le deuxième membre en règle des Hells Angels à tomber dans la guerre des motards.

«J'avais déjà pensé que ses activités risquaient de lui coûter la vie, mais son assassinat nous avait tout de même secoués», a conclu Éric Vanlerberghe.