Francis Proulx s'est décrit comme un «solitaire», «très nerveux», au moment de se soumettre au test du polygraphe l'été dernier.

Proulx a accepté de le faire, alors que le corps de Nancy Michaud n'avait pas encore été retrouvé. Les jurés ont commencé à visionner l'enregistrement vidéo du test, hier, au procès de l'homme de 29 ans accusé du meurtre prémédité de Mme Michaud au palais de justice de Québec.

Au départ, Proulx a nié être impliqué dans l'enlèvement de l'attachée politique de Claude Béchard. «J'ai rien à voir là-dedans», a-t-il dit. Selon lui, Mme Michaud avait été enlevée pour des raisons politiques. «Tout de suite, j'ai pensé à Béchard. Un genre de kidnapping à cause du prix du gaz», a-t-il dit de sa voix nasillarde, vêtu tout de noir comme d'habitude.

 

Proulx croyait être soupçonné de l'enlèvement en raison d'«une histoire de vol de 100 000$» pour laquelle il devait comparaître la semaine suivante. Deux ans plus tôt, le jeune homme «à la santé fragile» a eu des «idées noires». Depuis ce temps, il consomme de l'Effexor, un antidépresseur. Il ne boit pas d'alcool et n'a jamais touché à la drogue. Il a toujours été célibataire.

Le polygraphiste lui a demandé comment il entrevoyait l'avenir. «C'est le néant, pas mal», a-t-il répondu. Proulx était alors sans emploi depuis plusieurs mois. Il naviguait sur l'internet jusqu'au petit matin en écoutant de la musique classique à la radio.

Proulx a été élevé par sa grand-mère. «Ma mère est dépressive, pis Témoin de Jéhovah. Regarde, ça fait un beau mélange», a-t-il dit. Enfant, il n'a pas eu de contacts avec son père. Aujourd'hui, il a coupé les ponts avec sa mère. «J'ai trop de mauvais souvenirs.»

Proulx connaissait seulement «de vue» la victime. Durant le test, Proulx a énuméré les raisons pour lesquelles une personne voudrait s'introduire pas effraction dans une résidence. «Y a du vol, des agressions sexuelles. Y en a qui sont plus malade mental, c'est juste un trip», a-t-il souligné. Le visionnement de la bande vidéo du test du polygraphe se poursuit aujourd'hui.

Un mari anéanti

Vêtu d'un complet noir, l'air affligé, le mari de la victime, Daniel Casgrain avait la voix étranglée par l'émotion lors de son témoignage, plus tôt dans la journée. L'homme de 43 ans a raconté en détail la journée du 15 mai 2008, dernière journée où il a vu sa conjointe vivante. Dans le box des accusés, Proulx est resté impassible.

M. Casgrain a dîné avec sa conjointe ce midi-là dans leur résidence de Rivière-Ouelle, village du Bas-Saint-Laurent. «Je l'avais trouvée tellement belle, a-t-il raconté, ému. Je l'avais serrée dans mes bras (...) C'était mon dernier câlin.» Mme Michaud est ensuite retournée au travail. Peu avant 16h, le couple s'est recroisé à la maison. Pressée, Mme Michaud a récupéré un discours, qu'elle devait prononcer plus tard à une conférence de presse organisée au village. «On n'a pas eu le temps de s'embrasser. C'est la dernière fois que je l'ai vue», a dit le mari.

M. Casgrain, opérateur chargeur, est ensuite parti faire son quart de nuit, aux Tourbières Lambert situées non loin de chez lui. Sa femme l'a appelé vers 19h pour lui raconter sa «belle journée». Ironie du sort, en route vers sa résidence à 2h30 du matin, M. Casgrain a croisé la Suzuki Swift de Francis Proulx. Il a été surpris que la voiture accélère devant lui, puisque Proulx, surnommé l'«oiseau de nuit», roulait toujours à basse vitesse dans le village. Au test du polygraphe, Proulx a nié être sorti ce soir-là.

À son arrivée à la maison, après avoir embrassé ses deux enfants, M. Casgrain a constaté que son lit était vide. «Nancy aimait tellement ses enfants. Ça ne se pouvait pas qu'elle les ait laissés tout seuls», a-t-il raconté. Il a tout de suite alerté sa belle-mère et la police. Deux jours plus tard, le corps de la mère de famille de 37 ans a été découvert sans vie, nu et ensanglanté, dans le sous-sol d'une maison abandonnée.

L'aîné de leurs deux garçons, Charles-Étienne, 7 ans, s'est réveillé vers minuit, le soir de l'enlèvement. Il a entendu deux voix, dont celle de sa mère. «Ça brassait dans la maison», a-t-il raconté aux enquêteurs. Il a entendu des coups dans la cuisine, puis il s'est rendormi. Le témoignage du garçon a été déposé en preuve sans qu'il n'ait besoin de venir en cour.