Le médecin qui a vu Louise Grenier aux urgences de l'Hôpital général juif, quelques heures avant que celle-ci ne meure d'étrange façon chez elle, n'est pas responsable de ce décès. C'est la conclusion à laquelle est arrivé le juge Steve J. Reimnitz, avant de rejeter la poursuite en dommages intentée par la famille de la défunte.

Louise Grenier, 48 ans, a été trouvée morte dans sa cuisine, vers 10h, le matin du 15 novembre 2001. C'est sa soeur, qui résidait à proximité, qui a trouvé le corps dans une mare de sang. La scène était si curieuse que la section des homicides du SPVM s'est rendue sur les lieux, au 4428, avenue Old Orchard, pour enquêter.

 

L'autopsie a démontré que Mme Grenier était morte exsangue parce que son artère carotide avait été tranchée complètement. La position du corps, face contre terre près de la porte-fenêtre, et les carreaux brisés dans le bas de celle-ci indiquaient que Mme Grenier était sans doute tombée sur la porte, et qu'un morceau de vitre avait causé la blessure mortelle. Comment expliquer cette chute? La famille de la défunte y a vu un lien direct avec ce qui s'était passé la veille. Sur les conseils de son médecin de famille, Mme Grenier s'était rendue aux urgences de l'Hôpital général juif, la veille au soir, en raison de saignements menstruels très abondants, qui provoquaient chez elle fatigue et étourdissements.

Ce soir-là, elle est restée de longues heures aux urgences, et a été sous perfusion pendant un moment. Après avoir passé différents tests - sanguins et d'urine -, et avoir vu le Dr Michael Lamson Engo, Mme Grenier a obtenu son congé à 2h15, la nuit du 15 novembre. Le Dr Engo lui a dit de revenir le matin à 10h pour passer une échographie. Mais la femme de 48 ans n'a jamais eu cette chance, car elle est morte le matin entre 8h30, le moment où elle s'est levée, et 10h, quand elle a été trouvée. Il est possible de circonscrire le moment de son décès, car elle a parlé à deux personnes le matin des faits.

La poursuite en dommages a été intentée par Marc Berlinguet, ex-conjoint de la victime qui est lui-même médecin, ainsi que leurs deux enfants, adolescents au moment du drame. Ils reprochaient au médecin Engo d'avoir mal évalué l'état de Mme Grenier, et de lui avoir donné un congé hâtif. Ils avançaient que la dame était tombée en raison d'une syncope, provoquée par un état d'hypovolémie (déficit de sang dans le système circulatoire).

La défense faisait pour sa part valoir que d'autres causes étaient envisageables, telle la chute accidentelle. La défunte portait une culotte et un haut de pyjama au moment de sa mort, mais son pantalon de pyjama était sous elle. A-t-elle trébuché en circulant dans la cuisine? s'est demandé le juge. La question se pose d'autant plus qu'une syncope provoque généralement un affaissement, et non une chute avec vélocité latérale comme cela semble s'être produit avec Mme Grenier. Par ailleurs, les saignements menstruels semblaient s'être calmés - comme l'avait noté le Dr Engo -, car il n'y avait pas de sang dans son lit, ni ailleurs.

Le procès a duré 10 jours l'automne dernier. Au terme de son délibéré, le juge est arrivé à la conclusion que le décès de la femme n'est pas une suite directe et immédiate de la faute reprochée au Dr Engo. Le juge rappelle que dans ce genre de cause, quand il s'agit d'analyser le comportement d'un médecin, on doit prendre garde à la «vision parfaite que permet le recul». Il faut tenir compte de la réalité dans laquelle le médecin a agi, signale-t-il. Il est à noter que dans le cas de l'Hôpital général juif, qui était aussi visé par cette poursuite, un règlement à l'amiable a été conclu en 2005.