Quand il s'est embrasé soudainement, le 10 février 2005, Alain Daoust se rappelle avoir couru dans le garage comme «une poule pas de tête», avant d'être terrassé par la douleur. Depuis, il a subi 30 interventions chirurgicales. La Cour du Québec doit maintenant décider si le supérieur de M. Daoust peut être tenu criminellement responsable de ses malheurs.

Marc Hritchuk est accusé de négligence criminelle ayant causé des lésions à M. Daoust. Son enquête préliminaire a commencé hier au palais de justice de Montréal. Il était gérant de service chez Gabriel Volkswagen de LaSalle, lorsque l'horrible accident de travail s'est produit. On lui reproche d'avoir laissé les mécaniciens transvider de l'essence avec une pompe artisanale, parce que l'appareil destiné à accomplir cette opération était brisé. En fait, l'appareil était apparemment brisé depuis plusieurs années, avant même que Groupe Gabriel n'acquière l'entreprise de Auto House, deux ou trois ans avant l'événement.

 

L'utilisation de la pompe artisanale était apparemment une opération courante. Le 10 février 2005, il y avait une Passat à réparer, en raison d'un problème de l'indicateur du niveau d'essence. M. Hritchuk a donné le travail à faire à un mécanicien, un certain Yan. Il fallait d'abord vider le réservoir d'essence. M. Daoust, qui travaillait dans ce garage depuis 22 ans, est venu prêter main-forte à son collègue pour cette opération. Un autre mécanicien, Clyde Boyce, était aussi là. Mais c'est M. Daoust qui était le plus mal placé.

Durant la manoeuvre, de l'essence a été projetée sur M. Daoust et une étincelle s'est produite au même moment. M. Daoust s'est transformé instantanément en torche humaine. Le pauvre homme pense avoir brûlé une minute ou une minute et demie avant qu'un autre employé, pompier volontaire à ses heures, réussisse à l'éteindre. M. Daoust a été brûlé au troisième degré sur 35% de son corps à l'extérieur, et sur 40% à l'intérieur.

«Je suis resté conscient jusqu'à l'hôpital. En arrivant, j'ai perdu connaissance, et ils ont prolongé mon coma pendant les 21 jours suivants», a expliqué l'homme de 47 ans, hier. «Il n'y a personne sur terre qui mérite d'avoir ce que j'ai eu. Même pas mon pire ennemi», a-t-il fait valoir devant le juge Jean Sirois.

Avec le recul, M. Daoust considère qu'il a été imprudent, mais sur le coup, il ne le réalisait pas. Il y avait un travail à faire. «On utilisait la pompe artisanale, mais ce n'était pas la procédure recommandée.»

L'enquête préliminaire se poursuit ce matin.

Précisons que Gabriel Volkswagen a écopé d'une amende de plusieurs milliers de dollars au terme d'une enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Si l'affaire se retrouve aujourd'hui devant une instance criminelle, c'est que M. Daoust a porté plainte à la police. Selon lui, la loi du silence règne dans bien des garages, et il faut que ça cesse. «Moi, j'ai perdu quatre ans de ma vie. Je ne veux pas que ça arrive à un autre mécanicien.»