Pour la troisième journée, l'avocat René Duval s'est employé à attaquer la crédibilité de l'experte américaine Rita Katz, qui décrit Saïd Namouh comme le membre le plus zélé du Global Islamic Media Front.

Mme Katz dirige le Site Intelligence Group, une entreprise privée établie aux États-Unis, qui étudie l'expansion du terrorisme sur le Net. Me Duval a fait ressortir qu'elle a été payée 27 750$ par le Procureur général du Canada pour analyser les allées et venues virtuelles de Ashraf (pseudonyme de Namouh) et dresser un rapport qui a été déposé au procès. Le client de Me Duval doit se défendre d'accusations reliées au terrorisme, du temps où il résidait à Maskinongé, en 2006 et 2007.

 

La preuve tient presque essentiellement à ses conversations sur l'internet et à du matériel retrouvé dans ses ordinateurs. Namouh admet être l'auteur de ces écrits. Ce qui réduit le débat à la question suivante: est-ce que Global Islamic Media Front est une organisation terroriste? Mme Katz est d'avis que oui, car le GIMF fait la promotion d'Al-Qaeda et de son idéologie. «Ce n'est pas une organisation pacifique. Elle encourage les tueries», a-t-elle dit.

Me Duval tente de démontrer que Mme Katz exagère la menace, qu'elle est biaisée, controversée et pas si connaisseuse qu'elle le prétend. Hier, il lui a cité des noms de professeurs d'universités de différents pays, pour savoir si elle les connaissait. Allant de l'étonnement à l'agacement, elle a répondu non chaque fois.

«Je ne suis pas une académicienne, a-t-elle dit. Je travaille avec plusieurs professeurs, mais il n'y a pas d'école qui enseigne le terrorisme.» Me Duval l'a questionnée sur d'autres experts dans le domaine, sur ses «études en propagande», sur la qualité des services de traduction de son entreprise, sur l'authenticité des messages terroristes que Site relaie à ses clients. «Vous me posez beaucoup de questions sur Site. Si vous voulez, demain je vais revenir et vous faire une présentation complète. Ça dure trois heures», a-t-elle répondu.

En fin de journée, le tribunal a visionné un film que Namouh a monté pour le Global Islamic Media Front. Ce film, intitulé Final 1000, est une suite d'attaques à l'explosif contre des soldats américains en Irak. On voit la carte géographique des États-Unis s'embraser. On assiste aussi à la froide exécution de 18 otages irakiens, employés du ministère de l'Intérieur et de la Défense. Militaires et policiers apparaissent dans leur uniforme, les yeux bandés. Une voix entonne en arabe: «Combattez-les, Allah les fera souffrir à travers vos mains...» Un homme déclare ensuite que «L'État islamique de l'Irak a accordé un délai de 48 heures au gouvernement infidèle d'Al-Maliki, pour acquiescer à ses revendications, sinon, la loi d'Allah sera appliquée sur eux.» Le chantage n'a pas fonctionné. La séquence suivante montre les 18 otages alignés, à genoux. Un type encagoulé passe de l'un à l'autre en tirant à chacun une balle dans la tête. «Allah est le plus grand, Allah est le plus grand», chante une voix.

Namouh a monté ce film à partir d'images qui sont disponibles sur le Net.

Me Duval veut savoir si Mme Katz considère qu'il s'agit de propagande.

Le contre-interrogatoire de l'experte se poursuit ce matin et pourrait bien se terminer aujourd'hui.

Me Duval assure seul la défense de Namouh, en vertu d'un mandat de l'aide juridique. L'avocat a fait remarquer pendant le procès qu'il n'a «pas de budget», qu'on lui a refusé un assistant, et qu'il doit se contenter de contre-interroger avec ce qu'il trouve «gratis» sur l'internet. Il affronte deux procureurs chevronnés de la Couronne fédérale, Me Dominique Dudemaine et Me Pierre Labelle, la GRC, et l'experte Rita Katz.